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VIDE JURIDIQUE/PROROGATION DU MANDAT : GUERRE D’ECOLES DU DROIT

VIDE JURIDIQUE/PROROGATION DU MANDAT : GUERRE D’ECOLES DU DROIT

Pour des spécialistes du droit constitutionnel, la prorogation du mandat de Patrice Talon est normale. Faux, rétorquent d’autres. Et voici le Bénin qui vit une guerre entre les écoles du droit.
Par Christian AFFAMÈ
D’un côté, on a le professeur Victor Topanou qui soutient à corps émoulu la prorogation du mandat présidentiel de Patrice Talon. Il contredit même l’ancien président de la Cour constitutionnelle, Théodore Holo sur la question.
Pour Victor Topanou, l’avis de Théodore Holo sur la prorogation du mandat de Patrice Talon n’est pas soutenable. Contrairement à l’ancien président de la Cour constitutionnelle qui a relancé le débat suite à son entretien sur la DW radio, la radio allemande, Victor Topsnou avance ses arguments.
Pour Topanou, la prorogation du mandat présidentiel ne pose aucun problème. Il fallait procéder à cette prorogation pour répondre à certaines exigences relatives à l’alignement des mandats suite aux réformes partisanes importantes qui instaurent les élections générales.
Mieux, Victor Topanou avance que pour aboutir aux élections générales, il est nécessaire de procéder à un réajustement des mandats au niveau des maires, des députés et du président de la République. Et après avoir étudié plusieurs options, la prorogation du mandat présentiel de 45 jours relève donc d’une démarche normale, car légale au regard de la nouvelle Constitution.
CONTRE LE BON SENS.
La tenue des élections générales induit-elle la rétroactivité des nouvelles dispositions constitutionnelles ?
Théodore Holo récuse d’un revers de main cet argumentaire trop banal. De l’avis de Holo, en dépit des nouvelles dispositions de la loi n°2019-40 portant révision de la loi numéro 90-32 du 11 décembre 1990 portant constitution de la République du Bénin, cette loi ne peut avoir un effet rétroactif sur la loi numéro 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, au nom de laquelle, Patrice Talon a prêté serment.
« De mon point de vue en tant que juriste, cette disposition ne peut pas avoir un effet rétroactif par rapport au mandat du Président en exercice et par conséquent la Cour doit le rappeler pour rester dans cette exigence », a déclaré Théodore Holo sur la radio allemande.
L’ancien président de la Cour constitutionnelle jure et dit urbi que la loi portant révision de la Constitution ne peut jamais être rétroactive. La règle générale consiste à dire que la loi ne rétroagit pas mais dispose pour l’avenir. Et outre Théodore Holo, d’autres constitutionnalistes de cran comme Joël Aïvo et Philippe Noudjènoumè sont sur les mêmes longueurs d’ondes que l’ancien président de la Cour..
REGLES D’USAGE
Outre Victor Topanou, d’autres constitutionnalistes proches du pouvoir de Talon soutiennent que toute règle a des exceptions et ce sont les exceptions qui font la règle. Ils avancent même trois exceptions à la règle de rétroactivité de leur loi.
La première, c’est ce qu’ils appellent les lois expressément rétroactives. La deuxième est relative aux lois pénales douces.
La troisième exception concerne les lois interprétatives. Pour les tenants de cette thèse, la loi interprétative comme antérieure doit faire corps à la loi initiale. Pour eux, dès l’instant qu’il s’agit d’une loi interprétative, elle ne peut disposer pour l’avenir. La situation actuelle relative à la prorogation de mandat présidentiel se retrouve dans la première exception donc expressément rétroactive.
Et pour conclure, ils affirment que la loi n°2019-40 portant révision de la loi numéro 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin est rétroactive, parce qu’elle se retrouve dans les lois dites  »expressément rétroactives »
Cette grille de lecture n’est pas admise par les tenants de la thèse contraire.  » La prorogation du mandat actuel de Talon avec 45 jours de bonus n’est qu’une gymnastique intellectuelle des demi lettrés constitutionnels qui après la procédure d’urgence pour réviser sont encore dans le déni « .
Le journal l’Afrique en marche du mardi 6 avril 2021

Bénédicte DEGBEY

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