L'afrique en marche

Talon I/ Bilan économique : Du chemin, mais aussi trop de déchets

Talon I/ Bilan économique : Du chemin, mais aussi trop de déchets

Des Béninois étaient convaincus d’être à l’aube dune nouvelle ère avec l’avènement de Patrice Talon qui incarnait la « Rupture” et le « Nouveau départ ». Aujourdhui, après cinq années de gouvernance, sur le plan économique, il y a du bon au profit du pouvoir Talon, mais aussi de nombreuses insuffisances notoires.

Sur le plan économique, le bilan de Patrice Talon est relativement peu reluisant. Grâce à un plan de développement que sert une politique rigoureuse de gestion des finances publiques, le dirigeant de Cotonou a obtenu quelques résultats macroéconomiques.
Entre 2011 et 2015, la croissance moyenne du Bénin était de 4,5 % en moyenne. Au cours des cinq premières années du gouvernement Talon, elle est passée à 5,5 %.
En 2020, malgré l’avènement de la pandémie de Covid-19 et des conséquences de la fermeture des frontières nigérianes, le pays a pu maintenir une croissance économique positive estimée à 2,3 % par la Banque africaine de Développement (BAD).

Au fil des années, le gouvernement a également réussi à imposer une courbe descendante au déficit budgétaire qui est passé à 0,5 % en 2019. Avec la pandémie de Covid-19, il est repassé à 3 % l’année dernière. Ce qui correspond à la limite supérieure des critères de convergence de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa).

Quant à l’inflation, elle est toujours restée en dessous des 3 % exigés par l’Uemoa. De plus, malgré ‘laugmentation de la dette du pays depuis 2016, elle sest stabilisée à un peu plus de 41 % depuis 2018 (41,2 % en 2019 daprès le FMI).

Même si la pandémie de coronavirus a augmenté la dette publique en 2020, la plupart des institutions internationales s’accordent à dire que celle-ci reste soutenable.

Réformes et investissements

A travers son Programme daction du gouvernement qui mobilise 15 milliards $ sur cinq ans, l’Etat béninois a multiplié sous le mandat de Patrice Talon, des investissements importants pour le développement du pays.

Daprès la BAD, les investissements publics ont connu une hausse importante, passant de 21 % du PIB en 2016 à 29,6 % en 2019 ; une situation qui a contribué à soutenir la croissance économique. Le secteur des infrastructures a d’ailleurs été particulièrement ciblé, notamment dans le cadre d’aménagements ou de constructions de routes.

Dans le cadre de l’un des projets phares dit « asphaltage », plusieurs chantiers routiers ont été ouverts dans les principales villes du pays. Selon le ministère des Infrastructures et des transports, en cinq années, l’Etat béninois a construit plus de 771 kilomètres de routes bitumées.

Concernant sa stratégie d’amélioration des performances du secteur énergétique, le gouvernement a consacré 10 % de ses projets prioritaires au renforcement de la capacité de production électrique. Entre 2016 et 2021, la capacité propre de production d’électricité du Bénin est passée au moins à180 MW. Cette amélioration a été concrétisée par l’inauguration historique en 2019 de la centrale thermique de Maria-Gléta, dotée dune capacité de 127 MW, ainsi que par la réhabilitation des centrales thermiques Wartsila de la Société béninoise d’énergie électrique pour 30 mégawatts et celle de la Turbine à Gaz de la CEB dune puissance de 23 MW. Daprès le gouvernement, cette capacité permettra de combler environ 60 % des besoins énergétiques des ménages et des industriels en période de pointe.

Qui dit réformes ? Et pourtant une économie peu diversifiée.

En dehors des investissements infrastructurels, il y a eu des réformes qui ont permis non seulement d’améliorer le climat des affaires, mais également de renforcer la performance de plusieurs entreprises publiques.

Grâce à une stratégie accrue d’investissements dans le secteur du numérique, il y a une volonté de stimuler l’entrepreneuriat dans ce domaine. Ainsi, le Bénin est devenu l’un des premiers pays au monde (avec lEstonie) où la création d’entreprises est la plus rapide. Selon le dernier classement Doing Business, le pays occupe la 149e place sur 190 pays, mais ses performances en matière d’amélioration du climat des affaires ne sont pas négligeables.

Bien que les différents chantiers infrastructurels aient soutenu la croissance, l’économie reste fortement tributaire des exportations du coton. Cela, malgré l’adoption en 2017, d’un Plan stratégique de développement du secteur agricole qui s’étale sur la période 2017-2025. Selon un rapport de la direction de la statistique agricole, le coton contribue pour au moins 13 % du PIB, soit près de la moitié de la contribution totale du secteur agricole (28,04 % du PIB en 2019).

Les grands fossés de la « Rupture »

La relance de ‘léconomie béninoise était la priorité des priorités du gouvernement. En cinq ans, l’une des réformes phares dans le secteur économique est la privatisation d’un certain nombre de secteurs vitaux de léconomie. Dans le lot, on a le cas du port de Cotonou, un maillon essentiel de l’économie béninoise. Cependant, malgré les réserves des spécialistes et les protestations des acteurs du secteur, Patrice Talon a opté pour une gestion déléguée du Port de Cotonou en recrutant un mandataire international en occurrence le Port d’Anvers.

Pour le gouvernement, sa décision est mue par le fait que le Port de Cotonou présente des atouts comparatifs non négligeables qui ne sont pas exploités. Mieux, la démarche du gouvernement découle également par la recherche de la croissance et des stratégies concurrentielles de diversification du port. Une décision qui malheureusement n’a pas fait l’unanimité. La SBEE et la Soneb ont été aussi privatisées.

Au-delà de la privatisation, dès son arrivée au pouvoir, Patrice Talon n’a pas tardé à relancer le Programme de vérification des importations (PVI-Nouvelle génération). Ce PVI était pourtant suspendu au temps du régime défunt. Grâce au PVI donc, la valeur des marchandises entrant au Bénin via le port de Cotonou est contrôlée. Et comme cerise sur le gâteau, ce PVI est exonéré sans aucune forme de procès.

On retient également que la multiplication des procédures de redressements fiscaux loin d »etre une priorité économique du gouvernement Talon, n’a été qu’une épée de Damoclès pour torpiller les autres grands opérateurs et concurrents à Patrice Talon.

Si au début, l’option n’a pas suscité un tollé général, elle a commencé par friser de l’acharnement quand le premier opérateur économique du pays, en la personne de Sébastien Ajavon, le patron de Cajaf Comon a été ciblé avec une haine viscérale. Pour preuve, le gouvernement Talon a demandé à Sébastien Ajavon de payer 167 milliards F CFA dans une procédure bancale.

D’autres sociétés sur le point de grandir pour devenir des fleurons de l’industrie agroalimentaire et du négoce de produits tropicaux (graine de coton, anacarde) ont été sommées de verser des sommes importantes.

Comme on le voit, les critères de choix des entreprises qui subissent un redressement fiscal au Bénin demeurent flous.

À maintes reprises, avec des pièces matérielles, la société civile à travers Social Watch, Alcreer et l’Agence nationale de lutte contre la corruption sont montées au créneau pour dénoncer des cas de passation de marché gré à gré et des cas de surfacturation lors de l’achat de certains équipements au profit de certains ministères. Des dénonciations qui contrastent avec la lutte contre la corruption tant proclamée par le gouvernement du Bénin révélé.

Même si le chef de lEtat clame sa bonne foi, sa casquette d’homme d’affaires n’est pas matière à rassurer les Béninois qui estiment qu’il n’est là que pour préserver ses intérêts et non ceux du peuple.

Sous Talon, beaucoup de jeunes restent exposés au sous-emploi. « Le taux de chômage faible (2,4 %) dans le pays cache un niveau de sous-emploi élevé, estimé à 72 %. Il renseigne sur le fort taux d’emplois précaires existant dans le pays », indiquait un rapport-pays de la Commission économique pour l’Afrique (CEA) en 2018.

En plus d’être très largement informelle (90 % de la population active selon la Banque mondiale), l’économie reste soumise à ‘lévolution de celle du géant voisin nigérian. Même si elle n’a eu qu’un léger effet sur la croissance du pays, la fermeture récente de la frontière avec la première économie d’Afrique a affecté de nombreux commerces du pays, qui dépendaient de la réexportation de produits vers Abuja.

Enfin, l’un des principaux reproches faits au gouvernement de Patrice Talon est la faiblesse des investissements sociaux, même si ces derniers mois de la présidence du chef dEtat ont été marqués par une augmentation du budget destiné au secteur. Le taux de pauvreté n’a que très faiblement reculé. Selon la Banque mondiale, il est passé de 40,1 % en 2015 à 38,2 % en 2020, une situation que pourrait s’aggraver à cause de la pandémie de Covid-19.

Au-delà des réformes en cours et des études en perspectives, les Béninois espèrent l’amélioration de leurs conditions de vie. Déjà, cinq ans après les réformes conduites par le gouvernement Talon, ils continuent de serrer la ceinture et attendent toujours le jour fatidique où ils pourront souffler.

Par Emérico C. OKOUPELI

Bénédicte DEGBEY

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.