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Supérieur/ Enseignement public : faire le deuil de la gratuité par rigueur et non par pragmatisme fiscal ( Lire le dossier du jour) 

Supérieur/ Enseignement public : faire le deuil de la gratuité par rigueur et non par pragmatisme fiscal ( Lire le dossier du jour)
Est-il juste que l’Université publique soit gratuite ? Si certains répondent OUI, d’autres bien sûr disent NON.
On ne peut cependant pas en inférer que la gratuité de l’enseignement supérieur en devient anti-distributive. Pour pouvoir le faire, il faut au préalable comparer la jouissance de l’enseignement supérieur public et le sens disproportionnel dans son financement.
Du point de vue de l’égalité des chances, la gratuité de l’enseignement supérieur public est dès lors bien loin d’être une évidence. Peut-on réconcilier les considérations qui conduisent à ces deux réponses contradictoires ? Pas trop difficilement.
Dans la pratique
Cela revient à justifier que la gratuité contribue à la fois à faire accéder à l’enseignement universitaire les élèves issus des milieux les plus modestes et à mobiliser efficacement, sans complications, obstacles ou trappes inutiles, le capital humain d’une société.
 
Même dans le cas le plus favorable, il est clair que resteront exclus de l’enseignement supérieur, ceux dont les capacités intellectuelles innées sont les plus faibles. De ce fait, les possibilités offertes à ces personnes les moins talentueuses qui deviennent décisives. En d’autres termes, l’accès à l’université est et restera un privilège. Si la gratuité de ce privilège peut être juste.
Université comme une puissante institution distributrice
En effet, le revenu que le marché nous attribue est certes fonction des efforts consentis. Cependant, en toile de fond d’un ensemble vaste et varié de dons, d’opportunités, de chances qui nous ont été attribués de manière très inégale et éthiquement arbitraire.
Dans ce cas, il faut tenir compte de nombreux paramètres. On peut citer les talents, études prisées par le marché, coup de chance dans la recherche d’un emploi ou l’achat d’un immeuble, relations utiles, atomes crochus et collaborations fécondes…
Au nom de la justice
Ce n’est pas parce que l’on se préoccupe de justice qu’on peut se permettre d’ignorer l’efficacité. Toute conception raisonnable de la justice intègre l’efficacité, typiquement en infléchissant l’égalité stricte, comme je l’ai fait plus haut, dans le sens d’un maximun soutenable, d’une maximisation du niveau le plus bas qui puisse être durablement assuré.
A quoi bon égaliser les chances si c’est pour donner à ceux qui ont le moins de possibilités des possibilités moindres qu’avec une distribution plus inégalitaire ?
Or, l’efficacité passe notamment par une allocation efficiente des ressources rares qu’il s’agit d’affecter à l’enseignement supérieur.
En faisant payer aux bénéficiaires le vrai coût de leur formation, on se protège contre de graves gaspillages de ressources dans des formations qui sont loin de La conception de la justice qui sous-tend cet argument.
Eviter la motivation médiocre
L’efficacité n’exige pas seulement que les étudiants s’engagent en nombre suffisant dans les orientations socialement utiles, mais aussi qu’ils fassent bon usage de la possibilité qui leur est ainsi donnée.
Or, ne peut-on pas supposer que plus les étudiants payeront pour leurs études, plus ils seront à la fois motivés à étudier avec zèle et exigeants à l’égard de leurs enseignants, eux-mêmes désormais soucieux de ne pas perdre la clientèle à la source de leurs revenus ?
Il importe d’abord de garder à l’esprit qu’une bonne part du coût des études consiste, comme mentionné plus haut, dans le coût d’opportunité que constitue le renoncement présent à une activité lucrative.
Même en cas de « gratuité », il y a dès lors une motivation financière non négligeable
Nous aurions alors à faire notre deuil de la gratuité, pas du tout par rigueur éthique, mais par pragmatisme fiscal.
Avant de s’engager dans le pis-aller que constituerait pareille fuite en avant, il importerait cependant de réfléchir encore à un subtil effet pervers qu’il serait susceptible d’engendrer la solidarité sociale que la justice requiert.
Ceci est d’autant plus important que se préserve et se développe, parmi les personnes qui ont la chance de pouvoir bénéficier de l’enseignement supérieur de leur pays,
compte tenu de la situation financière actuelle, l’abolition des droits de scolarité universitaires est impossible à envisager.
Mais c’est aussi une mauvaise idée en elle-même. Une diminution des droits devrait entraîner une augmentation de la fréquentation, tout particulièrement pour les candidats d’origine sociale modeste. Toutes les études économiques ou sociologiques sérieuses aboutissent à ce constat.
Imposer aujourd’hui la non gratuité scolaire diminuerait environ de l’effectif actuel des campus publics du Bénin de 22 000 étudiants. Cependant, il est impératif que les droits de scolarité restent modérés.
En même temps que des droits de scolarité modestes sont perçus à l’université, il est impératif de continuer à soutenir un système d’aide financière aux études qui maintienne l’accessibilité pour les étudiants moins fortunés.
Roland KINGBO, doctorant en Suisse.
Site www.lafriqueenmarche.info du 04 mai 2022 No 164.

Bénédicte DEGBEY

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