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Suite à L’Editorial d’hier, la réaction du professeur Didier N’Dah

Suite à L’Editorial d’hier, la réaction du professeur Didier N’Dah

Suite à L’Editorial d’hier, la réaction du professeur Didier N’Dah
« Bio Guerra n’est pas un cow-boy américain » était l’intitulé de L’Editorial d’hier. Ayant cité le professeur Didier N’Dah de l’UAC dont on connaît les fulgurances, loin des polémiques et controverses, il a choisi de rester dans la posture de chercheur et de nous répondre. Lisez ci-dessous, l’intégralité de sa réaction en guise de plaidoyer.
POUR UNE PRISE EN COMPTE DES RÉSULTATS DE RECHERCHE DU PATRIMOINE CULTUREL : CAS DU MONUMENT DE BIO GUERRA
Par Didier N’DAH
Maître de Conférences en Archéologie et Préhistoire, Enseignant à l’Université d’Abomey-Calavi

« Des chercheurs qui cherchent, on en trouve ; des chercheurs qui trouvent, on en cherche ». Cette citation apocryphe de Charles de Gaulle semble faire école dans notre pays où les chercheurs sont généralement considérés par les décideurs comme n’obtenant aucun résultat concret et par conséquent ne sont donc pas toujours consultés concernant les grandes questions touchant notre Nation. Pourtant, les recherches menées dans nos universités aboutissent à des résultats qui pourraient être exploités.
Dans le cadre de la conception et de la réalisation des trois derniers grands monuments, les résultats d’une recherche menée en 2008 auraient pu être exploités pour mieux présenter le monument dédié au héros Bio Guerra. En effet, dans le cadre de la réalisation du mausolée de Bio Guerra, une étude menée par les archéologues a permis de localiser non seulement les sites archéologiques liés à la résistance du héros, mais aussi d’inventorier la culture matérielle liée à sa vie. L’enquête menée à Guerra N’Kali (commune de Bembéréké) dans la famille de Bio Guerra le 25 mars 2008 a permis d’avoir accès aux parures du cheval de Bio Guerra, ainsi qu’à ses armes et à ses habits qui ont été décrits dans cette étude. Cette dernière aurait pu être prise en compte pour la réalisation dudit monument.
Dans la collection qui nous a été présentée, une coiffe en plume est présente et a servi de parure de protection pour le cheval de Bio Guerra probablement pour des raisons occultes, car la tradition orale affirme que son cheval volait.
On y trouve aussi une grande étoffe qui était une parure de monture de Bio Guerra. Ce qui lui permettait d’éviter de glisser en cas de transpiration de son cheval. Les étriers du cheval sont également bien conservés.
Dans la collection est également présente sa lance qui fait plus de 2 m de longueur.
On y trouve aussi une amulette de protection (borka en baatonum) que Bio Guerra portait à la hanche ou au bras..
L’élément le plus important qui aurait pu être pris en compte pour mieux présenter le monument est son mode vestimentaire. En effet, dans la collection, on a sa tunique de guerre (Dansiki en baatonum).
On note également dans la collection, son gong et une défense de phacochère ainsi qu’une queue de cheval.
Tous ces éléments sont conservés dans une malle bien gardée par la famille de l’illustre disparu.
Cette recherche montre bien que si les spécialistes universitaires ainsi que les gardiens et dignitaires de la tradition en pays baatonnu avaient été associés, le monument ne se présenterait jamais sous l’image d’un cow-boy américain avec des bottes et un chapeau qui n’a rien à voir avec le style boo / baatonnu qui est la culture d’origine de Bio Guerra.
Nous faisons ce plaidoyer pour la prise en compte des résultats de recherche dans le domaine du patrimoine culturel et particulièrement en archéologie où des sites majeurs sont localisés un peu partout au Bénin. Tous ces sites n’attendent que leur mise en valeur qui relève de l’Etat dont le programme vise en partie à promouvoir le riche patrimoine du Bénin pour booster le tourisme.
En dépit de cette volonté gouvernementale remarquable, deux des trois monuments récemment inaugurés posent problème. Ce qui nécessite une correction.
Au niveau de l’Amazone, le sabre n’est pas celui que portaient les femmes combattantes et pour Bio Guerra, les éléments apportés par cet article montrent qu’il ne peut être présenté comme un cow-boy avec un cheval dont la direction pose aussi problème.
L’accoutrement qu’on lui fait porter à travers le monument peut être assimilé à celui de ceux qui l’ont tué en lui tranchant la tête.
Il est donc urgent de revoir ce monument afin que cet héros ne se retourne dans sa tombe.
Eléments de bibliographie
BAGODO (O.) et al., 2008, Etude archéo-historique du site tombal du héros militaire et national Bio Guêêra Gbêêsàsi à Bàwura-bànsu (Commune de Bembéréké, Département du Borgou, République du Bénin, Afrique de l’Ouest), Rapport de mission de reconnaissance archéologique (23-30 mars 2008), Campus d’Abomey-Calavi, Juillet 2008, 38 p.
BAGODO (O.) et N’DAH (D.), 2010,  » Prospection archéologique sur les anciens sites de guerre de Bawura-bansu et de Gbêku-bansu (Bembéréké, Nord-Est du Bénin) : résultats préliminaires » In Journal of Environnement and Culture Vol7, n° 1, juin 2010, pp 79-94
DEBOUROU (D. M.), 2014, La guerre coloniale au nord du Dahomey BiƆ GƐra, entre mythe et réalité : le sens de son combat pour la liberté (1915-1917), Editions l’Harmattan, Condé-sur-Noireau, France, 109 P.
Site www.lafriqueenmarche.info du 17 août 2022 No 269

Figure 1 : la coiffe de protection du cheval de Bio Guerra

Figure 2 : Les étriers

Figure 3 : La lance de Bio Guerra

Figure 4 : amulette de protection de Bio Guerra

Figure 5 : Tunique de guerre de Bio Guerra
 

Bénédicte DEGBEY