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Santé/Progrès de la médecine : La fistule, un tueur silencieux.

Santé/Progrès de la médecine :  La fistule, un tueur silencieux.

(Que guérit avec passion Dr Rochat)

A l’hôpital « Saint Jean de Dieu de Tanguiéta », un hôpital confessionnel privé, le docteur Rochat est comme chez lui. Cela fait 15 ans que ce quinquagénaire élégant vient réparer des fistules.

 La fistule? C’est un trou entre la vessie (parfois le rectum) et le vagin, trou causé par la pression du bébé lors d’accouchements longs et non assistés.

Dans cette région de l’Atacora avec des montagnes et de pistes poussiéreuses, où l’on enregistre 10.000 accouchements par an, 40% des femmes enfantent chez elles. Par tradition, parce que les centres de santé sont loin. Conséquence, les cas de fistules sont nombreux. Mais impossible de les chiffrer, les fistuleuses vivent cachées, dans la honte. Elles perdent constamment l’urine, les selles, sentent mauvais, sont rejetées par leurs maris et la communauté.

 D’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS), deux millions de femmes seraient touchées. La fistule est un indicateur de la qualité du système sanitaire.

Une pathologie disparue

Fin mars, Charles-Henry Rochat, docteur de son État, son équipe et une dizaine de praticiens béninois, ont opéré 38 patientes originaires du Bénin et du Burkina Faso voisin. 38 opérations en 10 jours, c’est beaucoup, mais la mission est bien préparée: l’ONG « Essor » côté béninois, et l’ONG suisse « Sentinelles » pour le Burkina, dépistent, recrutent et rassemblent les femmes, que le personnel local examine et programme à l’avance.

Le docteur Rochat a découvert cette pathologie, disparue dans les pays développés, en 1993, au Togo, où il était venu enseigner la chirurgie de la prostate à frère Florent, un médecin religieux. «On m’a envoyé au bloc, et j’ai fait comme j’ai pu. Ensuite en autodidacte, j’ai appris», confie-t-il. Et depuis lors, la réparation de fistules est devenue une chirurgie passion. L’urologue genevois en est devenu un des experts mondiaux.

Quand Frère Florent quitte le Togo pour le Bénin, il fait appel à son ami suisse. Première mission en 1996. Pendant plusieurs années, il vient seul, opère seul et paye tout de sa poche. Peu à peu, le nombre de patientes augmentent et il s’entoure d’une équipe (deux confrères, une anesthésiste et une instrumentiste). Il reçoit aussi le soutien financier de la Fondation Genevoise pour la Formation et la Recherche Médicale (GFMER).

Un sentiment d’inachevé

Soigner à l’étranger, ce n’est pas nouveau: ce «vieux routard de l’humanitaire», comme il se définit lui-même, a bien roulé sa bosse dans des pays en guerre, Afghanistan, Pakistan, Cambodge, Irak. Avec un sentiment d’inachevé: «C’est une médecine d’urgence, il n’y a pas de développement, pas de formation», dit-il. La transmission de compétences, voilà aussi ce qui le motive à venir au Bénin tous les ans.

«L’objectif, c’est de former des confrères béninois à la réparation des fistules simples, explique le médecin suisse. Et qu’il forme le personnel. Il y a des femmes qui souffrent une vie entière alors qu’une opération efficace est possible, même dans des hôpitaux modestes».

Le docteur Fanny Hounkponou fait partie de ces praticiens formés pour devenir formateur. Elle est gynécologue à Parakou, au nord du Bénin. «Dans mon hôpital, on a commencé à prendre en charge localement les fistules. J’ai même organisé un forum pour sensibiliser la population et dépister les femmes.

La volonté est là, pas de doute, mais il faut aussi les moyens. A Tanguiéta, les frais d’hospitalisation sont de 20’000 Francs CFA (soit 500 francs suisses). Tout est pris en charge, conjointement par GFMER et le FNUAP.

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«Ces femmes sont les plus pauvres des pauvres. Notre but est de leur faire savoir que la fistule n’est pas une fatalité, que cela peut être réparé, pas loin de chez elles et gratuitement», souligne le docteur Rochat, habitué à la chirurgie de pointe en Suisse. «Ici, c’est un privilège de faire une médecine qui n’a pas de prix»!

Par Emeric OKOUPELI

Journal L’Afrique en Marche du 8 juin 2021.

Bénédicte DEGBEY

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