L'afrique en marche

Réformes en sport au Bénin/ Entretien : « …Société et football, c’est deux choses différentes. », dixit Alphonse Gninafon

Réformes en sport au Bénin/ Entretien :  « …Société et football, c’est deux choses différentes. », dixit Alphonse Gninafon

Alphonse Gninafon l’un des expatriés béninois qui est resté attaché à son pays, communément appelé ‘’ coach’’, nous fait cas de sa lecture sur l’actualité du football au Bénin. Ce professeur de l’Education physique et des sports formé à l’Injeps au Bénin a encadré beaucoup de jeunes ici au Bénin qu’en France, où il est depuis quelques années dans les écoles de football aussi bien au niveau du football amateur que professionnel. Il nous parle des reformes sportives en cours. Il pense que tout n’est pas rose mais tout n’est pas mauvais également. Le voici donc qui en parle à cœur ouvert.
Vous connaissez très bien le football béninois, le ministre des Sports a lancé il y a quelques semaines, une réforme sur la création des sociétés sportives de football, dites-nous quel est votre avis sur la question ?
Pour ma part, c’est vrai que je suis parti il y a quelques années mais j’ai suivi de près l’actualité sportive, je pense que le football béninois a une historique et a traversé donc plusieurs étapes depuis quelques années ; des étapes particulièrement sombres comme vous le savez sans doute aussi. De plus, je suis d’avis comme tout le monde que le pouvoir public s’y intéresse un tant soit peu, au départ, on avait parlé d’un certain nombre de choses, des conditions sine qua non sans lesquelles la relève du football ne pourrait être assuré. Les infrastructures, des encadreurs dignes du nom. Et donc, c’est heureux qu’un peu partout actuellement il y a des stades qui ont été ou qui sont en cours de construction.
Le concept de sociétés sportives en football c’est bien, mais à mon avis on ne pourra mieux comprendre l’objectif derrière qu’en s’entretenant avec le ministre ou les cadres du ministère des Sports. Sinon quand on parle de société et de football, c’est deux choses différentes. C’est surtout vrai qu’aujourd’hui pour atteindre le haut niveau ou pour s’y maintenir quand on y est déjà. Le football aujourd’hui devient très productif, car tout fonctionne comme dans une grande industrie. Néanmoins il y a beaucoup d’étapes à franchir, et donc même si on a déjà certaines infrastructures, l’élément que nous devons vendre pour qu’on ait des sociétés sportives n’y est pas encore selon moi. Que vend-on aujourd’hui à travers le sport ? Les athlètes, les talents sont tout aussi importants ou sinon plus et je pense que l’accent doit être mis sur ces jeunes afin qu’ils fassent leurs preuves. Les classes sportives ne sont pas mauvaises en soi et ne sont pas non plus une fin, mais le début de tout ce qui reste à faire, mais ne peuvent pas garantir que d’ici cinq ans on ait des joueurs compétitifs. Quand on prend l’exemple de la France chaque samedi, il y a plus de dix millions de jeunes qui sont tout le temps sur les terrains de football mais ne font pas encore partis de l’élite. En dehors de ce beau monde au sein du football amateur on arrive à tirer un ou deux par ici et par là et encore là ce n’est pas déjà garanti qu’ils fassent parti de l’élite. Donc ce que je dis il y a des étapes à franchir encore, formé non seulement des encadreurs qui comprennent bien le processus.
Le tout ne suffit pas de savoir juste taper dans le ballon, il y a beaucoup de choses à faire encore, il faut travailler vraiment dur pour que d’ici une dizaine d’années on soit d’abord cité dans l’élite. La proposition de sociétés sportives de football trouvera tout son sens dans ce contexte alors. Sinon, je pense que c’est plus une communication que la réalité. C’est également vrai que la volonté politique y est, puisque l’actuel ministre des Sports à beaucoup d’idées et innove aussi beaucoup mais l’important est que les choses ne soient pas précipitées ; que tout cela soit géré par des gens qui comprennent vraiment de quoi il est question et qui puissent apporter leur aide.
A vous entendre parler on dirait donc qu’à l’heure actuelle on met la charrue avant les bœufs ? 
C’est exactement ce que je crois, la finalité devraient être les sociétés sportives et actuellement, c’est comment atteindre cet objectif-là qui doit être la plus grande préoccupation. Comment avoir une société florissante qui vend bien et beaucoup si ce qui doit être vendu n’existe pas encore ? Je pense qu’on a beaucoup de choses à faire encore, il faut travailler vraiment dur pour avoir des clubs réellement compétitifs.
Il faut pouvoir déjà commencer le championnat et bien le finir si on est sérieux avec soit même, la Direction technique nationale doit pouvoir concevoir un projet qui puissent amener vers l’élite ! Et cela doit commencer de la base ! Par exemple en France, on décline même les tactiques de jeu que l’équipe nationale devrait faire jusqu’à la formation au niveau amateur. C’est pourquoi l’élite finance toujours l’amateur.
Mais aujourd’hui chez nous, dans la première division quand il n’y a pas de subvention il n’y a pas de ballon et il n’y a donc pas de football ! La vérité c’est que dans les pays où le football est vraiment une industrie ce sont ces sociétés qui financent parce qu’ils savent que s’il n’a pas de bons résultats, elles tomberont en faillite.
Dans cette logique des réformes, le ministère a également lancé le recrutement des directeurs sportifs de ces sociétés, est-il dans ses droits selon vous ? 
La première des choses selon moi, c’est qu’il y ait des directeurs départementaux de jeunesse qui fonctionnent et qui puissent mettre en place dans les communes, dans les arrondissements, un championnat réel où tout est coordonné et bien planifié jusqu’au niveau national où on décline les idées de formation jusqu’à la base. Les postulants doivent connaitre les réalités du terrain ce qui malheureusement n’est pas encore le cas. Les encadreurs ont-ils été bien formés ? La Direction technique nationale départementale fonctionne-t-elle ? Voilà autant de questions qui restent en suspens.
Jusqu’aujourd’hui dans notre pays, on n’arrive pas à faire la différence entre l’amateur et l’élite, à quel âge commence l’amateur ? De même que l’élite ? Je suis fière de notre équipe nationale étant béninois mais la plupart de ceux qui y jouent ont été formé à l’international ! Aucun sur le plan national qui puisse donner ce qu’il faut ! On va trop vite à mon avis, comme je l’ai dit plus haut toutes les étapes ne sont pas franchies méthodiquement pour atteindre l’objectif final. Et donc ce n’est pas le rôle du ministère en principe.
Quel serait votre message en guise de proposition ?
Tout mon souhait est que ce qu’on a vécu comme difficultés lors de notre parcours ne continuent pas pour la génération montante, maintenant que le gouvernement n’hésite pas à mettre la main à la poche il ne faut pas disperser les énergies et le financement. Il y a de bons cadres dans le pays, mais il faut renouveler, étoffés, formés les entraineurs afin que d’ici quatre ou cinq ans on ait des équipes compétitives dans toutes les catégories. Je vous remercie.
Propos recueillis et transcrits par Messan DOHOU

Bénédicte DEGBEY

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.