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Maréchage/activités commerciales : Pas de sot métier, mais un bon gagne-pain

Maréchage/activités commerciales : Pas de sot métier, mais un bon gagne-pain

(Une enquête de la rédaction)
La culture maraichère prend de plus en plus d’ampleur à Cotonou et s’impose aujourd’hui dans l’alimentation quotidienne des populations. C’est un secteur qui permet à ses acteurs de faire d’importants chiffres d’affaires, de nourrir leur famille malgré les nombreuses difficultés qui y sont liées.
Honoré, la cinquantaine est veuf depuis quelques années. Il s’est retrouvé du jour au lendemain au chômage dû à un licenciement collectif dans la société où il était employé en tant que conducteur. La vie devient de plus en plus compliquée pour lui. Il suit une formation en culture maraichage et se lance dans l’activité grâce à une portion de terre héritée. Assis à l’ombre d’un arbre dans son champ dans la matinée d’un jeudi ensoleillé, il admire la croissance de ses légumes qui s’étendent à perte de vue.
Installé sur un périmètre d’un hectare à Djadjo dans l’arrondissement de Togba, commune d’Abomey-calavi, Honoré cultive toutes sortes de légume sur une superficie de 12m2. On trouve dans son jardin diverses cultures telles que le ‘’Tchayo’’, la laitue, le piment, le concombre, l’aubergine, le haricot vert, le persil, la carotte, le chou, la tomate, le piment pour ne citer que celles-là.
« J’ai été très tôt confronté aux dures réalités de la vie, confie-t-il. A un moment de ma vie, du fait du décès de mon épouse et de mon licenciement. Je me suis retrouvé face à d’énormes charges que je devrais assumer seul. Je n’ai pensé à autres choses qu’à la terre qui ne ment jamais. Je m’y suis lancé après cette courte formation et voilà aujourd’hui. ». Venue de la ville pour s’approvisionner en laitues, choux et carottes, Dame Anita, directrice d’un bar restaurant, fait le tour de certains sillons de laitue suivie de Honoré. Après quelques minutes d’échanges, ils se sont entendus sur 50.000 F. CFA le sillon de laitues. «C’est ici je viens faire mes approvisionnements parce que non seulement je suis satisfaite par rapport aux produits mais aussi et surtout par rapport au prix. », a laissé entendre Dame Anita.
Quid des bénéfices
« Après la récolte, je me retrouve entre 500 000 et 600 000 F CFA par mois.», déclare Honoré. Ainsi, après avoir soustrait l’argent consacré à l’entretien de son terrain, il se retrouve avec un bénéfice moyen d’environ 300 000 F CFA par mois. Il doit ce bénéfice à ses clients qui ont adopté ses produits. Dovénè, vendeuse de légumes au marché de Womey confie que pour une commande de 50 000 F CFA, elle peut vendre jusqu’à 150 000 F CFA, soit un prix de vente égal au triple de celui d’achat.
C’est donc une affaire rentable des deux côtés. Ce qui justifie certainement l’affluence de nombreuses personnes vers ce secteur qui grâce aux taux d’urbanisation en évolution, qui est passé de 26,5 % en 1979, 36 % en 1992, 38,85 % en 2002, à 44% en 2015 et à 47% en 2020, a entrainé des besoins alimentaires accrus. Le maraichage apparait dès lors comme un recours essentiel pour l’alimentation de la population. Il constitue la forme la plus explicite et la plus développée de l’agriculture urbaine.
Difficultés liées à la production et à la commercialisation
Comme tout autre secteur, les maraîchers rencontrent dans l’exercice de leur activité, d’énormes difficultés qui sont d’une part liée à la production et d’autre part à la commercialisation. « Chaque culture a ses caractéristiques et se traite avec des engrais spécifiques », confie Honoré.
A cela s’ajoute la spécificité des terres qui ne répondent pas trop aux engrais. Tout n’est donc pas rose pour les maraîchers.
Félix, jardinier à Godomey, abonde dans le même sens. « Les semences sont disponibles, mais il n’y a pas d’engrais spécifiques pour les cultures maraîchères au Bénin. J’utilise ceux destinés à la culture du coton. Nous avons besoin de formation et d’information afin de développer notre activité, car la terre et la volonté existent.», dit-il.
Pour surmonter certaines difficultés, les maraîchers sont obligés de faire usage de techniques plus modernes (drainage, méthode du goutte-à-goutte…) et des produits tels que les engrais pour accroître la production.
Les revendeuses également n’arrivent plus à prendre les produits en grande quantité à cause du faible pouvoir d’achat des consommateurs. « Si le maraîcher dépense trop pour sa culture, cela va se répercuter sur la vente. Parce qu’il doit vivre de ce qu’il fait », déclare Agnès, une habituée des jardins.
La pluie, l’autre handicap
L’écoulement des produits maraîchers en saison pluvieuse constitue un casse-tête pour les maraîchers et leurs clients. « En période pluvieuse, nous n’arrivons pas à vendre à cause de la dégradation des voies d’accès aux jardins », explique Félix.
Les clients grossistes n’arrivent plus à faire leurs achats en cette période. C’est le cas de Dovénè, une de ses clientes qui, en saisons des pluies, préfère chercher ailleurs, car raconte-t-elle : « Pendant la saison pluvieuse, la voiture n’a plus accès au jardin où j’ai l’habitude de payer. Alors, il me faut débourser pour la main d’œuvre qui apportera le produit au bord de la voie ».
Le problème de domaine d’exploitation ne se pose pas du côté de Honoré. Il s’inquiète souvent de la forte pluie qui devient du coup son ennemi. « La pluie, on en a besoin, mais quand cela devient trop, on ne la préfère pas », a-t-il laissé entendre.
Par Emeric C. OKOUPELI
Journal L’Afrique en Marche du lundi 17 mai 2021.

Bénédicte DEGBEY

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