L’éditorial de Titus FOLLY : Talon-Ouattara, portrait de César
Alassane Ouattara a commencé par donner une chance à la réconciliation en Côte d’Ivoire. Il s’est débarrassé des oripeaux de l’entente difficile pour retrouver les bols frais de la sagesse en autorisant le retour de Laurent Gbagbo. Mais au Bénin, rien ne bouge encore en dépit du très beau discours de Patrice Talon à l’occasion de son investiture, le 23 mai dernier. Pourquoi au Bénin continue-t-on de développer un prestige à la dictature et au césarisme ? Analyse dans l’exercice de l’éditorial du jour.
Le président ivoirien est bien placé pour feuilleter les annales et apprécier à sa juste valeur, l’esprit de réconciliation qu’il orchestre actuellement en Côte d’Ivoire.
Pourquoi Patrice Talon tarde à faire un pareil geste au Bénin ?
Les contextes ivoiriens et béninois ne sont pas les mêmes sur les bords du Lac Nokoué à Cotonou que sur ceux du lac Ebrié à Abidjan. Mieux, la conception du pouvoir n’a pas la carapace chez chacun des deux leaders.
En 2011 en Côte d’Ivoire, l’actuel homme fort installé d’Abidjan est resté calfeutré cinq mois durant dans les cavernes de l’hôtel du Golf. Mieux, au décompte macabre des morts fait par les guichets des morgues et autres crématoriums de Côte d’Ivoire au terme d’une sanglante guerre civile Alassane Ouattara a lu 3000 morts. Si après ces contingences survenues en Côte d’Ivoire en 2011, Alassane Ouattara tient à gommer les rides de l’intolérance, c’est qu’il a compris qu’il faut retrouver les rayons d’un soleil levantin. Et voici Alassane Ouattara qui a écouté ‘’sa voix intérieure’’ et qui a opté pour la paix.
Patrice Talon a eu le pouvoir sur un plateau d’or. Il n’a pas pris le pouvoir au terme d’une guerre fratricide. Il est rentré de France et a conquis le pouvoir.
Si Ouattara délaisse le césarisme tandis que Talon s’évertue à le consolider, la différence d’approche n’est-elle pas là ?
Ouattara a fait le choix d’autoriser Laurent Gbagbo et autres à rentrer. Au Bénin, l’éphéméride passe, mais rien n’est envisagé en ce qui concerne les illustres exilés qui ne savent pas s’ils peuvent rentrer un jour.
Au Bénin, tout porte à croire que Patrice Talon qui s’est attaché davantage à la représentation mythique de l’absolutisme n’est pas pressé pour le faire. Et pour cause.
D’abord, tout porte à croire que Patrice Talon gardera encore pour longtemps son avantage politique sur ses compatriotes exilés. Qu’on l’aime ou pas, Patrice Talon ne fait rien au hasard. Pour le moment, il croit encore qu’il faut laisser ses compatriotes loin de leurs pénates. Il ne changera donc ses plans sur un coup de tête, car Ouattara l’a fait en Côte d’Ivoire. Pour le moment, le retour des concitoyens béninois dans un contexte politique exceptionnel est donc loin d’être une priorité pour Patrice Talon.
Mieux, il faut passer sous toutes les coutures l’élan du chantre de la ‘’Rupture’’ qui a défini depuis 2016, les facultés d’un régime de fer pour comprendre que les opposants seront maintenus pour longtemps loin du Bénin.
Sur les bords du lac Nokoué, tout est conforme au césarisme. La figure de César ne relève jamais du symbolisme. Tout est calculé.