L’éditorial de Titus FOLLY : Plantu, s’en va

Pour moi, Plantu, Jean Plantureux de son vrai nom, est à la caricature, ce que Maradona est pour le football. En ce jour mémorable du 1er avril 2021 où il raccroche définitivement ses crayons, je lui dédie l’exercice de l’éditorial du jour. Je profite de cet espace pour faire un clin d’œil à Hector Sonon, alias ‘’Hector’’ ce caricaturiste béninois, le meilleur des meilleurs qui officie aujourd’hui entre la Norvège, la Suède et le Bénin et qui a fait les armes avec moi au quotidien ‘’Adjinakou’’.
Caricaturé Sarkozy en vizir, Hollande en mollusque et même le pape en pédophile…tels ont été quelques hauts faits de ce monument de la caricature. Sans lui, Charlie Hebdo même dans la douleur n’aurait pas eu de la consécration. C’est mon avis et je l’assume.
Plantu, pendant 50 ans, à la lecture de son dessin de presse a la maestria de projeter votre propre ressenti. Pendant 50 ans, il a fait du dessin de presse, un moyen d’expression qui peut être analysé avec un ensemble d’éléments relevés et parfois reportés dans une grille de lecture dont lui seul a le secret. Il savait nous donner des sensations fortes.
Grâce à lui, le dessin de presse a assumé correctement ses trois fonctions originelles. Faire rire, réagir et réfléchir. Durant 50 ans, il est passé maitre dans les figures de style et procédés humoristiques de la caricature. Et pour cela, tout ce qu’on pouvait faire pour prendre connaissance de sa ‘’cari’’ du jour, relevait de l’ordre normal des choses.
Pour la grande histoire, j’ai découvert Plantu grâce à la librairie ‘’Lipajodi’’ à Porto-Novo alors que j’étais élève au collège ‘’CEG Application’’. En ce moment, sa ‘’cari’’ était en page intérieure. Il fallait user de manèges pour tromper la vigilance du propriétaire des lieux pour y jeter un regard futile.
Après, quand le professeur Albert Tévoédjrè, le rapporteur de la Conférence nationale du Bénin en 1990 de vénérée mémoire toujours à Porto-Novo a commencé par mettre ce journal à notre disposition au ‘’Refuge du pèlerin’’. Ici, e temps des coups fourrés était révolu. Surtout que le dessin du maitre a quitté les pages intérieures pour la UNE.
Etudiant après la Conférence nationale, du Bénin, l’ancien Centre culturel français aujourd’hui, Institut français de Cotonou a pris la relève. Et puis dans la vie active et en plein exercice du métier de journaliste, acquérir personnellement le journal n’était plus une charge.
Je puis me vanter d’avoir suivi Plantu depuis 35 ans. Durant ce long moment, il a inspiré, motivé, favorisé l’empathie et permis de faire face aux problèmes afin que nous puissions trouver des solutions.
Et parmi les dignes descendants de Plantu, je prends le risque de citer Hector Sonon, alias ‘’Hector’’. Quand nos chemins ont convergé au quotidien ‘’Adjinakou’’, ce fut une complicité entre lui le caricaturiste et moi me rédacteur en chef. De 2003 à 2007, du dimanche au jeudi, lui et moi avions développé une complicité. Il fallait provoquer du délire chez les lecteurs de ce mythique et élitiste journal et déchainer la jouissance mélancolique chez les autorités gouvernementales de l’’époque. A plusieurs reprises, j’ai eu le privilège de recevoir le coup de fil du chef d’Etat d’alors, feu Mathieu Kérékou, (un défenseur de la liberté de presse. Comparaison n’est pas raison. Suivez seulement mon regard) qui m’appelait non pas pour me remonter les bretelles ni pour me menacer de mort, mais pour rire.
Plantu s’en va. Ce n’est pas la fin du Monde… mais c’est la fin d’une époque pour « Le Monde ». Que le collectif de caricaturistes et des dessinateurs identifié pour prendre la relève soit à la hauteur de la tâche pour ne pas nous faire regretter notre icône, Plantu.
La vie est belle. Et chaque jour est une vie. Prenons-là du bon côté et demain, il fera beau sur la grande route.
Journal L’Afrique en Marche du jeudi 01 avril 2021