L’éditorial de Titus FOLLY : Monsieur le président.
« Soyez encore notre roi ». Patrice Talon a bien lu cette fois-ci l’article 53 de la Constitution qui le retourne à ses charges au terme de l’investiture du 23 mai 2021. Patrice Talon avec l’univers de droit qui lui confère une nouvelle fois tous les pouvoirs, que peut-il pour son peuple ? Au nom de notre ‘’communauté de destins’’, un mot très fort qu’il a utilisé, il a annoncé des ‘’miracles’’. Sans airs de gag géant, Patrice Talon peut-il donc laisser sa ‘’poigne ’’ au placard pour la ‘’communauté de destins’’ ? Analyse dans l’exercice de l’éditorial du jour.
Si on demande à l’olivier de renoncer à son huile qui sert à honorer Dieu et les hommes pour aller se balancer au-dessus des autres arbres, on connait sa réponse. Si on demande au figuier d’être roi pour délaisser la douceur de ses fruits, on sait sa réponse. Si on demande à la vigne d’abandonner son vin qui réjouit Dieu et les hommes, on devine sa décision.
Si on demande à Patrice Talon de faire des ‘’miracles’’ pour le Bénin pour ce nouveau mandat, on a déjà sa réponse. Il peut beaucoup pour le Bénin, car il connait davantage le pouvoir comme sa poche. Ce pouvoir qu’il sillonne qu’il alpague pour être dans la galerie des ‘’miracles’’.
Mais peut-on faire confiance au chantre de la ‘’Rupture’’ ?
Trois conditions doivent être remplies pour un début de mise en route de sa nouvelle vision pour le Bénin. D’abord, quand Patrice Talon parle : « d’unité, de communauté de destins et des élections qui sont terminées. », cela demande qu’il pose des actes forts sur le plan politique.
Ses compatriotes pensent qu’il doit tout au moins accorder la grâce présidentielle aux opposants et autres activistes actuellement en prison. Peut-il y avoir une ‘’communauté de destins’’ quand Joël Aïvo, Réckya Madougou, Ali Houdou, Alexandre Hountondji, Joseph Tamégnon et plusieurs autres personnes qualifiées de ‘’terroristes’’ croupissent dans les geôles du régime ? Alors, il faut que Patrice Talon éteigne son ‘’feu nourri’’, sorti d’un buisson d’épines qui continuent de consumer jusqu’aux cèdres.
Ensuite, et toujours sur le plan politique, Patrice Talon doit comprendre que la loi ne doit pas être uniquement pour les autres. La loi ne doit se résumer à des actions à court terme, actions qui sont génératrices de longs regrets. Ici, il lui revient également de toiletter la réforme du système partisan qui ouvre le boulevard à la mouvance présidentielle. Ce qui n’est pas le cas de l’opposition qui doit surmonter des digues.
Le constat est là que l’opposition est confrontée à cette sorte de labyrinthe idéologique à chaque élection. D’où leur contestation par rapport aux références normatives qui découlent de bricolage et de jonglage législatifs. Et pour avoir revendiqué un cadre règlementaire consensuel, ils sont qualifiés et traités des ‘’terroristes’’ et se retrouvent en prison. Et en dépit de tout, la mouvance présidentielle continue de faire au lieu d’une analyse sérieuse, une littérature déphasée et agressive.
Enfin, il y a le pouvoir social du peuple, un pouvoir érodé avec la disgracieuse allégorie de la ‘’ceinture’’. Patrice Talon a compris qu’il doit changer la trame sociale de sa gouvernance. Le « présent mandat sera hautement social », a-t-il martelé.
Pour cela, il lui faut rapidement établir un diapason entre ces annonces sociales et l’enclosure de ses pâturages. Oui, tant que son pouvoir rayonne de puissance, il complexifie le paysage social de notre pays. Il faut donc que Patrice Talon décréte la fin de l’indigence, mais il n’a pas encore fixé les marges frontalières de la privation.
Comme on le voit, pour ces trois conditions, Patrice Talon doit vite convaincre. Va-t-il continuer en dépit de son discours d’investiture de surfer sur l’épaisseur du feuilleté politique ? Va-t-il opter par la subsidiarité ou le chevauchement des choix politiques comme ce fut le cas de 2016 à 2021 ?
Patrice Talon, le maitre absolu des horloges doit aller au-delà des 12 minutes de son adresse solennelle.
La vie est belle. Et chaque jour est une vie. Prenons-là du bon côté et demain, il fera beau sur la grande route.
Journal L’Afrique en Marche du 24 mai 2021