L'afrique en marche

L’éditorial de Titus FOLLY : Ministère de la Communication, on n’est pas convaincu

J’ai entendu en direct Patrice Talon justifier l’enterrement du ministère de la Communication sur une télé privée de la place. J’ai entendu après lui, nombre de communicants de la ‘’Rupture’’ justifier l’injustifiable. Que le régime du ‘’Bénin révélé’’ déroule son programme de réformes sans pitié, c’est normal. Mais dans le cas présent, cette réforme dans le monde des medias n’a-t-elle pas l’air d’une stratégie sacrificielle? Analyse dans l’exercice de l’éditorial du jour.

Si le requiem du ministère de la Communication découle de la première réforme majeure dans le secteur des médias, nul ne peut en vouloir à Patrice Talon. Il est dans ses attributions et il l’a bel et bien martelé lors de la ‘’vraie campagne présidentielle’’ de 2016 qu’il va réformer tous les secteurs professionnels du Bénin. Qu’il passe à l’acte maintenant dans le secteur des médias n’est pas une surprise pour les observateurs avertis..

Le sens du rétroviseur. Pourquoi ?

Cependant, il y a des actes antérieurs qui font dire que le ministère de la Communication passé de vie à trépas n’est pas un acte isolé. Il suffit d’analyser sous toutes les coutures, la stratégie sacrificielle qui est mise en branle.

Cette stratégie met en exergue, la ‘’capacité de précariser aussi les acteurs des médias, capacité qui vient d’adversaires déterminés et qui ont l’avantage du rapport de forces. Et pour étayer cette situation, il suffit de nous rappeler quelques situations dommageables subies par la presse béninoise depuis cinq ans.

On a encore en mémoire par exemple cette déclaration : «Les gens n’ont rien à faire des condamnations financières…il est important que chacun puisse répondre, les uns autant que les autres, de ce qu’il fait devant la loi.». C’est Patrice Talon qui s’exprimait ainsi lors d’un entretien sur la télévision nationale (ORTB), le mercredi 19 février 2020. Il faut tout au moins replacer cette déclaration dans son contexte.

Patrice Talon a fait cette déclaration au moment où après le vote du code du numérique, les acteurs de la presse déjà héritiers de la dépénalisation avec la loi 2015-07 du 20 mars 2015 portant code de l’information et de la communication furent surpris de constater qu’il n’y ait pas un traitement différentiel entre les journalistes et les non journalistes. La mansuétude qu’on espérait du chantre de la « Rupture » s’est transformée en douche froide après cette déclaration. Sans ambages, Patrice Talon dit qu’il est très favorable à l’application exclusive de condamnations financières ou civiles contre les délits de presse. Donc, sans ambiguïté et sans sentiments (l’une des qualités intrinsèques du chantre de la ‘’Rupture’’), Patrice Talon a dit sa préférence pour les arrestations des journalistes.

Ensuite, évoquant un autre fait au hasard, il y a la normo communication, un concept rédhibitoire qui a écumé le secteur des médias dès l’aube du ‘’Bénin révélé’’ en 2016. Au nom de l’austérité budgétaire, on a résilié sans aucune forme de procès, des contrats d’abonnement et autres prestations de la presse dans l’administration béninoise. Même si un an après, des contrats sibyllins ont vu le jour pour domestiquer certains parmi nous, voilà qui démontre que l’enterrement du ministère de la Communication n’est pas un acte isolé mal. Et voilà pourquoi, dire que la disparition du ministère de la Communication de la charpente gouvernementale découle d’une stratégie sacrificielle contemporaine. Cette « corporation massive » qualifiée de 4 ème pouvoir devrait être aussi soumise par tout Etat répressif.

Donc la stratégie sacrificielle ne relève pas de l’imaginaire populaire ? 

«NON», loin de là, et on peut avancer plusieurs raisons pour expliquer ce choix. 

D’abord, Patrice Talon n’a pas rompu avec le temps des martyrs et l’assèchement des papilles gustatives qui a commencé depuis 2016.

Ensuite, après les nombreux secteurs qui ont déjà eu le marqueur avec de nombreuses victimes passives ou actives, la presse béninoise dans le nouvel espace du quinquennat 2021-2026 même avec un mandat hautement social annoncé, ne peut échapper pour longtemps à la vague de réformes. Patrice Talon est donc passé à l’acte, car il tient à ce que ce secteur des médias consente lui aussi à l’effort de guerre.

En outre, cette disparition dudit ministère va permettre à démontrer l’intervention de tiers partenaires, des arbitres téléguidés par des mobiles étranges. C’est le propre de la « Rupture » même si dans ce cas, tout ceci sera aux antipodes des objectifs de la communauté des médias.

Conséquence, pour une presse déjà engluée dans des difficultés structurelles et conjoncturelles, sans une tutelle fixe comme le ministère de la Communication, on va certainement la soumettre à un marché informel de textes de lois avec des fluctuations doctrinaires dans le but d’une instrumentalisation des martyrs.

Que fallait-il faire ? 

Avant les obsèques du ministère de la Communication, il y avait des actes à poser pour rassurer les acteurs des médias. Par exemple, le régime Talon devrait débloquer l’aide de l’Etat à la presse privée mise sous l’éteignoir depuis 2016.

Mieux, le pouvoir actuel devrait régler le sort des chantiers non démarrés depuis les Etats généraux de la presse de novembre 2002. Au nombre de ces chantiers, on peut citer la mercuriale, la régie publicitaire et autres.

Le constat est là que ces chantiers ne sont pas prioritaires, mais on sent une volonté de faire émerger un tiers-ordre ‘’humanitaire’’. L’enterrement du ministère de la Communication poursuit sincèrement d’autres challenges. Ils ont noms : assistance caritative pour certains malgré les dérives de la modernité et retour du cycle tragique pour les autres.

Face à l’adversité résolue, il faut un dépassement des acteurs de la presse pour endiguer la « clochardisation ». En somme, il faut que les médias se réinventent dans le travail.

Retroussons alors les manches avec ou sans les vendeurs de boulettes, l’autre réalité de notre corporation.

La vie est belle. Et chaque jour est une vie. Prenons-là du bon côté et demain, il fera beau sur la grande route.

Journal L’Afrique en Marche du lundi 31 mai 2021.

Bénédicte DEGBEY

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