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Flambée des prix : On mange désormais le riz à la sueur du front

Flambée des prix : On mange désormais le riz à la sueur du front

« N’achète plus le riz qui veut, mais qui peut.», est le refrain qui revient ces derniers jours. A Abidjan, Dakar, Lomé, Cotonou… le prix du riz a pris l’ascenseur alors que le pouvoir d’achat est à l’escalier.

Dame Nafissathou, la quarantaine qui surfe sur la vitalité de sa santé se rapproche des sacs de riz étalés jusqu’à une certaine hauteur. « Le sac de 50 kgs du riz dit « Kati » est à 35.000 F CFA. Ce n’est pas à négocier.», dit la commerçante d’un teint noir d’ébène brillant avec une voix suave en langue nationale mina.

La cliente reprend aussi en mina : « Maman, c’était à 29.000 F.CFA il y a quelques jours ? ». La commerçante rétorque : « Ce n’est pas moi, c’est le marché…».

La dame regarde en l’air fait demi-tour et revient sur ses pas. Elle change de qualité et demande le prix de riz appelé « Ma famille ». La commerçante répond sèchement : « C’est 31000 F. CFA. ». Une autre cliente à côté avec des cheveux peu abondants et d’un noir satiné pousse un cri strident : « Seigneur! C’était à 26.000 F.CFA.». Après, la commerçante en stratège et avec empressement donne le prix du riz dit « Laba-Laba » aussi très sollicité par les clients. « Il est à 29.000 F. CFA contre 24.000 F.CFA…».

Nous sommes à Lomé au marché dit « Ebêsimê » dans le quartier populaire Ebê. Après la brise, de l’aurore, du beau monde grouille sous un soleil argenté après la pluie de la veille. Les clients rivalisent de bagout pour acheter le riz. Cependant, ils ne peuvent compter sur les commerçantes sans pitié en ces temps de flambée des prix de denrées alimentaires et des céréales. Entre les étals et estrades des commerçants, les clients vivent un sentiment d’impuissance pour acheter le riz qui a connu une hausse.

Après de longues et chaudes discussions, Dame Nafissathou, la mort dans l’âme a fini par conclure son marché : « Le riz c’est désormais à prix d’or. Ne mangera le riz pas qui veut, mais qui peut et ce sera à la sueur de notre front .».

Au moment d’ouvrir son portefeuille pour payer son sac de 50 Kgs de riz  » Kati » elle insinue : « Avant c’était Ukraine, Ukraine, Ukraine…». A peine a-t-elle fini que déjà la commerçante, comme une spécialiste de prix de céréales sur le plan mondial insiste et ironise : « Non! Ukraine est démodée déjà. C’est le tour de l’Inde…». La commerçante s’attendait à une réplique de sa cliente pour un débat technique et géopolitique sur la flambée des prix. Rien n’y fit. La cliente a gardé le silence et est partie.

Comme à Lomé, c’est le même constat à Abidjan, Dakar ( aux dires de nos correspondants dans ces deux pays), sans oublier Cotonou.

LE RIZ DANS L’ASCENSEUR, EXPLICATIONS

« Le prix du riz est cher, car il y a eu l’interdiction d’exportation des brisures de riz et l’instauration d’une taxe de 20% sur les exportations d’autres types de riz de qualité supérieure décidée par le gouvernement indien…», analyse Arnaud Affangla, macroéconomiste. Il poursuit : « Conséquence, les pays africains dépendants du riz indien sont confrontés à une hausse du prix…», dit-il pour conclure.

Kodjo Glokpo, fiscaliste quant à lui met en relief l’importance de ce pays sur l’échiquier international. « Nos factures de sac de riz seront salées, car l’Inde est la 1ère exportatrice mondiale de cette céréale depuis 2012 et pays 1er fournisseur d’Afrique».

« Dans un contexte de fin de subvention par nos Etats au regard de la pression des institutions comme le FMI, il ne faut rien attendre de nos gouvernements pour qu’ils veillent sur le riz de tous, et qui malheureusement tend à devenir l’aliment des riches.».

Olga HOUEVI de retour de Lomé

Site www.lafriqueenmarche.info du 11 septembre 2023 No 493

Bénédicte DEGBEY

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