Essence, riz, sucre: le pouvoir d’achat désormais sans pouvoir

Une seule chose préoccupe les Africains ces derniers temps, c’est leur pouvoir d’achat qui se réduit de manière drastique.
« Le baril de pétrole a atteint cette semaine 95 dollars US. A la pompe, on ressent déjà les effets. A ce rythme, notre pouvoir d’achat est enterré…», s’alarme Dame Colette au quartier Charbonnage à Libreville.
« Le sac de riz a augmenté en moins d’un mois suite à la décision du gouvernement indien de 20%. Acheter le riz n’est plus à la portée de notre pouvoir d’achat…», s’indigne Toby fonctionnaire de son État croisé au marché d’Akassato à Calavi en compagnie de son épouse pour acheter un sac de riz « Kati ».
« Le prix du sucre est hors de portée en quelques jours. Notre pouvoir d’achat s’est totalement érodé. Quand tu viens pour faire le marché, tu fais l’important et tu t’eclipses…», déplore dame Sidi rencontrée à Abidjan.
« Nous avons entamé un mouvement de grève dès cette rentrée scolaire 2023-2024, car notre pouvoir d’achat ne nous permet plus de faire face à nos besoins élémentaires. Les prix prennent l’ascenseur alors que nos salaires n’ont même pas trouvé le 1er escalier. Nous exigeons une revalorisation de salaire avant toute reprise…», confie l’un des enseignants grévistes au Cameroun, joint par notre correspondant au Gabon et qui a requis l’anonymat.
POUVOIR D’ACHAT PAR LES ESCALIERS…
De tous ces commentaires, un groupe de mots revient à la charge : «Pouvoir d’achat».
Selon Souleymane Koujon, macroéconomiste nigérian : « Le pouvoir d’achat est la quantité de biens et de services qu’un revenu permet d’acheter.». Le spécialiste poursuit : « Le pouvoir d’achat n’est pas le fruit du hasard. Il dépend du niveau de revenus et du niveau des prix.».

Son collègue nigérian, Mangari Koudous, en explorant le concept est resté dans les mêmes parages sémantiques : « Le pouvoir d’achat correspond à la différence entre l’évolution des revenus des ménages et l’évolution des prix Il se fait que ce pouvoir d’achat est en chute libre ces derniers temps.».
Il développe encore : « Si la hausse des revenus est supérieure à celle des prix, le pouvoir d’achat augmente. Dans le cas contraire, il diminue. C’est ce qui se passe aujourd’hui à Abuja, Abidjan, Dakar, Cotonou, Lomé…. où les prix de denrées et produits de 1ère nécessité flambent. Et les timides mesures prises par certains gouvernements (comme en Côte d’Ivoire pour contenir il y a quelques jours le prix du riz), n’ont pu contenir les prix.»..
« En Afrique, on ne parle du pouvoir d’achat seulement quand les prix flambent. Ce qui n’est pas le cas dans les pays occidentaux où l’on le mesure périodiquement afin de tirer l’attention des gouvernements sur la consommation des ménages et donc du développement des entreprises.», explique à son tour Régis Donkoulou, expert en levée de fonds.
Il martèle encore :« Le pouvoir d’achat en occident permet de connaître la part de revenus consacrés aux biens de luxe par les ménages, car leur consommation permet à l’Etat d’améliorer les recettes fiscales.L’actuel mouvement de grève des trois grandes entreprises américaines d’automobiles à Détroit en est une preuve parmi tant tant d’autres ».
…. PRIX EN ASCENSEUR
Face à cette situation, l’expert Souleymane
Koujon invite les gouvernements à recourir à toute la panoplie de mesures à leur guise (subventions, bouclier tarifaire, blocage des prix, aide à la pompe…), pour permettre aux populations de supporter le choc.

Pour lui, la tendance actuelle de hausse des prix de produits vivriers et autres de consommation courante devient difficile à supporter. La situation sociale se dégrade, car les gens à 90% qui font déjà face à de nouvelles taxes doivent organiser leurs courses alimentaires en faisant désormais attention à ce qu’ils dépensent.
« Si la consommation des ménages continuent de baisser, la production va stagner.», avertit Régis Donkoulou.
Il soutient encore : « En Économie, si la consommation des ménages baisse, ce sont les entreprises qui sont directement touchées.». « Si la situation perdure, les entreprises n’ont pas le choix que de baisser la production pour contenir les charges ou licencier afin de faire des coupes sombres sur les lignes budgétaires des services non liées directement à la production.», dit-il pour conclure.
Il revient donc aux gouvernements qui avaient baissé pavillon par rapport aux réceptacles sociaux de prendre des mesures sociales (revalorisation salariale, microcrédit aux plus pauvres, cantines scolaires sans oublier d’autres actions aux ondes sociales très grandes) pour endiguer les effets néfastes de l’inflation qui s’installe sur du solide tandis que le pouvoir d’achat est sur du sable mouvant.
Olga HOUEVI avec la collaboration de Edmond MUGANGUI correspondant au Gabon et Wilfried GBEKAN correspondant au Nigeria
Site www.lafriqueenmarche.info du 25 septembre 2023 No 505