Electricité/Commerce informel : le » jus » qui profite aux propriétaires (Lire dossier du jour )
Electricité/Commerce informel : le » jus » qui profite aux propriétaires (Lire dossier du jour )
Communément appelée le ‘’jus’’, l’électricité est très prisée surtout dans les zones où elle n’est pas disponible. Conscients de ce besoin crucial, certains propriétaires ont développé un véritable business autour de l’énergie électrique.
Quartier Agassa-Godomey dans la commune de Calavi. Il est 7 heures ce samedi. Célestin M vient d’intégrer sa maison. Il n’a pas la possibilité d’avoir dans un brèf délai, l’énergie électrique, car le dernier poteau électrique est à plus d’un km de lui.
Aidé d’un électricien, ce jour-là, il tire les fils de chez un voisin jusqu’à son domicile. Ainsi donc, il a souscrit à un abonnement informel qui consiste à payer le ‘’jus’’ selon un décompteur installé dans la maison du voisin.
En clair, les clauses contractuelles consistent à calculer selon le KW plus un bonus.
M. Célestin n’a pas le choix, c’est la seule issue pour lui pour surmonter cet handicap. Selon lui : « Tous les matins à l’aube, dès que je me réveille, je m’empresse d’écouter les nouvelles du jour grâce à la radio et le soir les informations à la télévision. Alors tout ceci n’est pas possible sans la disponibilité de l’énergie électrique. Il a d’autres besoins tels que charger les téléphones portables, ordinateurs sans oublier les lampes la nuit.», a-t-il laissé entendre.
Contraints de souscrire…
L’usage de l’énergie électrique est si indispensable que certains propriétaires s’en servent pour se faire de l’argent au détriment de la consommation réelle de ceux qui sont dans le besoin.
Ceux qui ne disposent pas pas d’électricité sont contraints d’acheter au préalable des décompteurs avant toutes clauses.
Dans les négociations contractuelles, ceux qui sont dans le besoin sont contraints d’acheter l’énergie selon le prix fixé par le propriétaire.
Ainsi, quelque soit leur consommation mensuelle, le montant à payer ne varie jamais. Joël Kpiti, responsable d’une agence de livraison de courriers vit à Togba dans la commune d’Abomey-Calavi. Tous les mois, il débourse 6500 pour payer sa consommation d’énergie électrique. « J’ai deux ampoules plus une prise. L’ampoule est à 1500 F CFA l’unité et la prise est à 3500 FCFA non négociable. J’y suis obligé parce que mes enfants doivent apprendre et je dois travailler sur mon PC à la maison », confit-il. C’est le cas aussi de Fleuri Damonwa, enseignante vacataire à Calavi, qui doit dépenser pour sa consommation mensuelle 5500 alors qu’elle sort tôt et ne rentre que le soir après ses cours de 19h.
…à ce Business
Si l’on tente de se convaincre que ce phénomène ne s’observe que dans les zones enclavées, le témoignage de quelques étudiants prouve que la pratique a aussi court dans la zone universitaire.
En effet, certains étudiants sont obligés de souscrire à un tel abonnement auprès de leur propriétaire afin d’avoir la disponibilité de l’énergie. « Pour étudier, il nous faut nécessairement l’électricité.
Dans les faits, il est parfois difficile de se mettre sur le même compteur et de faire le dispatching en fonction de la consommation de chacun. Dans la logique du propriétaire, tout le monde doit payer le même montant. Et donc, tous les mois, chacun paie 4000 F CFA à raison de 2 000 FCFA pour la prise et 1000 FCFA par ampoule », a laissé entendre Gervais Hinvi.
« C’est un véritable business surtout lorsqu’il y a plus d’une dizaine de chambres dans une maison. Nous ne restons même pas à la maison pour consommer à hauteur de ce que nous déboursons », se désole, Christian Tamadaho, étudiant en 2ème année d’anglais à l’Université d‘Abomey-Calavi.
Si le business de l’énergie électrique s’avère être de très bonnes affaires pour les propriétaires, les locataires se sentent grugés et n’hésitent pas hausser le ton. « Notre propriétaire s’enrichit avec notre consommation. Nous ne voyons jamais la facture à payer. Mais on doit payer chacun 3800 F CFA par mois alors qu’on est 12 dans la maison. Il engrange ainsi 45 000 F CFA tous les mois pour une consommation qui n’excède même pas 20 000 F CFA », explique Jacques Tossè, vitrier à Womey.
Malgré cet état de choses, certains propriétaires se défendent et justifient leur business. « Le compteur principal coûte énormément. Il faut mener des démarches sur plusieurs mois avant de l’acquérir. De plus, il y a des frais d’entretien mensuel. Lorsqu’on laisse les locataires gérer la facture, ils ne s’entendent pas en ce qui concerne des modalités de payement.», a laissé entendre Romuald Klidja
Il poursuit : « Il vaut mieux s’entendre sur le minimum au sujet de la consommation de l’énergie électrique quand vous n’avez pas la possibilité d’avoir un compteur personnel. Dans le cas contraire, un beau jour, la SBEE vient enlever le compteur. Je l’ai vécu par le passé. ».
Ornela PARAISO
Site www.lafriqueenmarche.info du 23 mai 2022 No183