Économie/Bouillir la marmite : L’essence frelatée, le job du moment

Bénin, l’essence frelatée se vend à tous les coins de rues et les recettes générées font vivre des milliers de familles. En dépit des mesures d’interdiction prises par les gouvernements successifs depuis Mathieu Kérékou, cette activité commerce par faire aujourd’hui partie intégrante de l’économie béninoise.
A Cotonou, tout comme à l’intérieur du Bénin, le commerce de l’essence provenant de la contrebande fait partie des produits les plus disponibles que les clients peuvent se procurer sans aucun effort.
Au moins chaque rue dispose d’une ou de plusieurs stands de fortune de vente d’essence frelatée appelée dans le jargon béninois ‘’Kpayo’’.
Didier, la trentaine est un vendeur d’essence frelatée. Sous un soleil de plomb ce vendredi, le voilà en train de satisfaire un client habitué du « Kpayo ». Son quotidien est ainsi fait. Installé à Cotonou depuis près de cinq ans après son Bac, le commerce de l’essence frelatée est le débouché qu’il a pu avoir après sa licence en géographie. « Quand j’ai eu la licence en 2016, je n’ai pas pu me casser. Après deux ans de chômage ; j’ai reçu une proposition de vendre de l’essence et je m’y suis lancé.», confié-t-il.
Comme Didier, ils sont nombreux ces hommes et femmes à tenir des stands en bois en exposant des bonbonnes de cinq, 10 et 20 litres et manipulant à longueur de journée ce produit inflammable dans les rues.
Un commerce rentable
Commerce bon marché en raison du coût du litre qui s’achète généralement entre 300 et 350 FCFA au lieu de 570 FCFA à la pompe dans les stations-services, cette activité occupe de nombreux Béninois. Et malgré son caractère illégal, maintes fois dénoncés et condamnés par le gouvernement, les vendeurs ne se gênent guère. La vente se fait donc au vu et au su de tous, aiguisant la curiosité des personnes qui découvrent pour la première fois ce commerce en pleine ville moderne. «C’est un mal nécessaire», commente Rosine Adjovi, enseignante de profession. Selon celle-ci, depuis sa première moto, il y a 10 ans jusqu’à ce jour, elle n’a jamais pris de l’essence dans une station service. « Il est vrai que cette essence est issue de la contrebande au Nigeria, mais sa qualité est reconnue par tous. Généralement, c’est cette contrebande qui approvisionne les stations-services», croit-elle savoir.
Une information soutenue par de nombreux Béninois qui estiment même que si ce commerce de rue n’existait pas, l’offre de l’essence au Bénin sera en deçà de la demande. Du coup les stations-services sont délaissées.
Il n’est pas rare de constater de visu que des véhicules officiels de l’Etat béninois avec de hauts fonctionnaires de l’Etat béninois. s’arrêtent pour s’approvisionner. Du coup, l’on comprend toute la complexité de la lutte contre cette activité illicite.
Nigeria, le poumon de l’économie béninoise ?
Au Bénin, tout le monde sait que la contrebande de l’essence provient du Nigéria voisin avec lequel le pays partage plus de 700 km de frontière. Une frontière poreuse qui donne lieu à toutes sortes de commences illégaux dont celui de l’essence. A Porto-Novo et dans les villages frontaliers avec le Nigéria, le prix du litre de cette essence est encore plus réduit. Un trafiquant qui opère à Porto-Novo et le Nigeria avec des bidons de 30 et 50 litres témoigne que : «Chaque jour, ce sont des milliers de bidons de 20 litres qui passent la frontière pour approvisionner le marché béninois», Il poursuit et révèle que : « Quand nous achetons le bidon au prix de 7000f par exemple après toutes les taxes que nous déboursons, nous nous retrouvons avec un bénéfice qui vaut parfois le double du prix d’achat quand nous déchargeons des cargaisons des barques qui arrivent par la ‘’Rivière Noire’’ (frontière). Soit 100 F CFA par bidon.».
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Dans cette zone du Bénin, le litre peut s’acheter entre 200 et 275 FCFA. En revanche, à Cotonou, à Bohicon et à Porto-Novo les municipalités taxent ce commerce. Preuve que l’activité malgré son caractère illicite fait partie intégrante de l’économie béninoise. Elle participe incontestablement à la fois à la mobilisation des recettes des collectivités locales et de l’Etat. C’est pourquoi l’on comprend difficilement l’absence d’un contrôle et d’un suivi de l’activité qui ne représente pas moins un danger pour les populations. Comme on le voit, l’essence frelatée a et aura de beaux jours devant elle et ce en dépit de sa dangerosité.
Par Emeric C. OKOUPELI
Journal L’Afrique en Marche.