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Eau conditionnée en sachet/Consommation : « Pure water », quand on « achète » la maladie à 25 F. 

Eau conditionnée en sachet/Consommation : « Pure water », quand on « achète » la maladie à 25 F. 

( Une enquête de votre site ).

L’eau, c’est la vie et nombreux sont les Béninois qui se désaltèrent à l’eau en sachet appelée « pure water », ignorant son caractère nocif pour la santé.

 On dénombre quelques centaines d’unités de production et de commercialisation d’eau en sachet « pure water » au Bénin. La majorité exercent sans autorisation en ce qui concerne le strict minimum des structures compétentes en la matière. Cependant, certaines unités sont en règle. Parmi les accréditées, se trouve Mathilde Bocco, ancienne fonctionnaire de la Société nationale des aux du Bénin (Soneb). Elle brandit fièrement son autorisation d’installation reçue au ministère de l’industrie, les résultats d’analyses délivrés par la Direction de l’alimentation et de la nutrition appliquée (Dana) et l’accord de l’Agence béninoise de l’environnement.

Il y a cinq années, elle est entrée dans le secteur de la production de l’eau. Mais elle n’a jamais obtenu l’autorisation de la Direction Nationale de la Santé Publique (DNSP) du ministère de la Santé. Elle agite la lettre qu’elle a adressée audit ministère, le 12 août 2015 demeurée sans réponse. Sourou Adjinda, chef du service promotion de l’hygiène publique de ladite direction explique : « il y avait des producteurs d’eau qui avaient déposé des demandes d’autorisation. (Ils n’ont pas reçu l’autorisation parce que) le contexte juridique a évolué. On n’a pas délivré des accréditations mais on a fait des contrôles. »

La production de l’eau en sachet

Clotilde Bocco est devenue la gérante d’une unité de production d’eau en sachet nommée « Oxygène Water. » Elle réside à Abomey-Calavi (la commune la plus peuplée du Bénin). En face du domicile de son époux, est érigée une géante boutique. Elle abrite sa machine de production d’eau, estimée à plus de deux millions de francs CFA. Le dispositif est muni de deux tanks servant à conserver 200 et 400 litres d’eau potable.

Pour produire l’eau en sachet, Dame Clotilde se sert de l’eau que fournissent les 35 tuyaux de la Soneb qu’elle a fait relier à son unité ou celles conservées dans les tanks. 

A l’aide des 10 filtres dont dispose sa machine, elle épure l’eau. Au même moment, les lampes ultra violettes de l’appareil éliminent les microbes contenues dans l’eau. S’en suit l’étape où l’eau est traitée avec des produits médicamenteux recommandés, avant d’être mise en sachet. Dans sa localité d’Alédjo, Clotilde Bocco revendique être la seule à utiliser cet appareil pour produire de l’eau. « Mes sachets, je les commande à l’étranger. Je certifie que mon sachet est propre, mon eau est propre et tout ce que je fais est propre (…) c’est ça qui attire les clients. »

« Les maladies diarrhéiques, le choléra… »

Vendue à 25 F CFA, le « pure water » est considérablement consommé par la majorité des Béninois. Il remplace l’eau de pompe quand la Soneb est en panne. Comme la plupart des Béninois, Rachi étudiante à Cotonou se fait une vague idée du processus de production de l’eau en sachet : « Je crois qu’on met juste de l’eau dans un sachet et on ferme avec une machine » suppose-t-elle d’un air moqueur.

L’informel fait sa loi dans ce secteur.

La grande majorité des unités de production d’eau en sachet ne respecte pas les règles d’hygiène comme dame Mathilde. Elles ne sont pas accréditées. « C’est vrai que les analyses de toutes les unités n’ont été satisfaisantes, détaille Sourou Adjinda, chef du service promotion de l’hygiène publique à la DNSP (…) Nous sommes déjà arrivés à fermer des unités parce que des analyses ont révélé un fort taux de nitrate dans l’eau. ».

« Il m’est arrivé de prendre du « pure water » qui sentait mauvais, confie Rachi pour qui la qualité « du sachet ou la conservation de l’eau » peut en être la cause.

« Lorsque les conditions d’ensachement de l’eau ne sont pas réunies, il y a des micro-organismes qui sont stockés dans ces sachets. Et lorsqu’ils trouvent des conditions favorables au développement de ces germes à travers l’ensoleillement, ces micro-organismes se multiplient, clarifie Firmin Adandédji, ingénieur spécialisé en éco-hydrologie. Ils engendrent des maladies diarrhéiques, le choléra, sans oublier le développement de petits virus et des vers. » La mauvaise qualité de l’eau peut également occasionner les mêmes affections.

« Le danger continue de guetter les Béninois »

 Tant que toutes les unités de production n’ont pas fait certifier la qualité de l’eau qu’elles commercialisent, le danger continuera de guetter les Béninois.

Aussi, s’agit-il de s’assurer de la qualité du sachet qui la conserve. La Police sanitaire qui doit accompagner cette œuvre est en nombre très réduit dans tout le pays. A ce jour, le ministère de Santé « met en place un vaste programme de formation et d’accompagnement de ces unités pour qu’à terme, elles aient des capacités qui leur permettent de faire l’auto-surveillance sur les systèmes. ».

Même si aujourd’hui l’activité n’est plus autant rentable, Dame Clotilde continue toujours de produire et de commercialiser l’eau en sachet « pure water. »

Que disent les textes ?

L’arrêté 45/67 du 08 Août 2008 mentionné dans l’article, fixe les règles de conditionnement et de mise en consommation des eaux minérales et des eaux de boisson conditionnées. Il précise aussi les modalités de la procédure d’autorisation soumise par le Ministre de la Santé aux producteurs d’eau conditionnée. L’ arrêté fixe la fréquence des analyses devant être effectués par le producteur. Il clarifie le rôle de contrôleur exercé par le Ministère de la Santé. Enfin, il fixe les normes d’hygiène devant être appliquées par le producteur et les sanctions en cas de non-respect de la réglementation.

Lire aussi : Bénin/Harcèlement :  Le S. E. D’une puissante ONG suspendu.

Emeric OKOUPELI.

Journal L’Afrique en Marche du 6 juillet 2021.

Bénédicte DEGBEY

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