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DEVELOPPEMENT/ LEGUMINEUSE : LE SOJA AVEC SON FROMAGE POUR LA LUTTE CONTRE LA PAUVRETE

Dans nos plats à Cotonou et ailleurs, le fromage de soja règne désormais en maître.
Le soja est une légumineuse dont la transformation sert à fabriquer plusieurs produits dont le fromage. Il est très prisé dans l’alimentation en Afrique. Ces derniers temps, le fromage de soja est de plus en plus un tremplin pour la lutte contre la pauvreté.
Selon le sociolinguiste Benoît Bacho, dans les pays comme le Burkina-Faso, le Mali, la Côte d’Ivoire, le Togo, sans oublier le Bénin, le fromage de soja est de plus en plus répandu. Au-delà de ces pays, il y a le Nigeria et le Ghana qui l’adoptent déjà sans oublier le Cameroun et la République démocratique du Congo.
Des études récentes relatives à l’inclusion financière dans ces pays ci-dessus cités, il ressort que la production du fromage de soja est devenue un créneau porteur, car elle occupe désormais 2% des femmes dans toute cette zone africaine. Mieux que 19% des femmes qui étaient actives dans le secteur de la production du fromage du lait, se sont reconverties au secteur du soja.
«A 25 F CFA le morceau, le compte est bon pour les enfants et même pour la famille. Maintenant dans ce conteste de conjoncture économique ou payer le fromage de lait devient difficile, le fromage de soja, moins cher devient l’alternative…», affirme Dame Abibath, vendeuse de fromage de soja rencontrée à Parakou.
Ce jour-là, devant son étale faite d’une petite table couverte d’une toile cirée de couleur bleue, elle était pleine de grâce, car pour la créer, la nature avait mis tous les soins. Ses cheveux crépus transparaissent de la boukha de couleur noire. Ses lèvres lippues, dorées, mais aussi luisantes témoignent pour elle. L’étale se trouve sous une ombrelle. Dans la bassine en plastique de couleur cendre posée sur la table, il y a des morceaux de fromage de soja. Ils sont coupés en losange, ou en triangle. Des enfants l’entourent. Ils sont une dizaine. Chacun d’eux crie et manifeste son désir d’acheter en premier. Ils se bousculent. Tout se passe dans un tohubohu. « C’est ainsi tous les midis quand les enfants reviennent de l’école », lâche-t-elle avec sourire. Surnommée ‘’Amonnon’’, elle est satisfaite de son bénéfice journalier. Puis elle se réjouit tout de même d’avoir des clients fidèles. « Honnêtement, j’apprécie le fromage de cette dame. Il n’y a pas ce jour où je ne viens acheter chez elle », lance un garçon, la dizaine révolue.
Dans les gargotes et chez les commerçantes culinaires dans les ruelles en Côte d’Ivoire, au Burkina-Faso, au Togo, au Bénin, au Cameroun, la République démocratique du Congo, le Nigeria et le Ghana, le fromage de soja est de plus en plus répandu. Utilisé dans l’alimentation, il relègue désormais poissons, viandes, œufs, et même son ancêtre, le fromage fait à base de lait appelé ‘’warangachi’’ ou ‘’Gassarou’’ au Bénin. Ce dernier n’a plus la part belle, c’est donc le fromage de Soja qui règne en maitre, car il permet aux familles à revenu modeste de trouver leurs comptes. Ce que confirme d’ailleurs le sociolinguiste Benoît Bacho : « Le fromage de soja remplace le poisson, le fromage de lait et la viande qui connaissent déjà une cherté remarquable ».
Selon les saisons, le fromage de lait varie entre 1000 et 2000 F CFA selon le grammage de trois à cinq KG. En dépit de ce coût peu onéreux, ce produit a commencé par être remplacé dans les marmites et assiettes, par le fromage de soja. «Avec moins de 500F de fromage de soja, tous les membres de la famille sont servis. Ce qui revient deux à trois fois moins cher que si nous devons nous alimenter au poisson ou à la viande», a laissé entendre Dame Dialou à Cotonou.
De nos jours, le fromage à base de soja est devenu un ‘’aliment vedette’’ non seulement pour sa valeur nutritive, mais aussi pour ses multiples potentialités culinaires et médicinales. Le fromage de soja, selon Dine Nahim, nutritionniste de son Etat : « C’est l’un des produits issus de la transformation des grains de soja. C’est une légumineuse qui contient des protéines complètes, pouvant remplacer la viande chez les végétariens. De plus, le soja ne contient pas de cholestérol et on y retrouve des gras de bonne qualité incluant des acides monoinsaturés et polyinsaturés».
Selon le sociologue Rodrigue Sossouhounto, le fromage de soja règle le problème de la précarité, permettant aux familles à petit revenu, de bien manger comme d’autres en matière de vitamines dont l’organisme a besoin. On comprend de plus en plus alors les raisons de cette ruée depuis quelques années vers le fromage de soja. Du coup, les morceaux de viande ou de poissons ou de fromage à base de lait de vache dans les plats ne sont plus fréquents.
Une filière rentable sur le point de s’imposer
Selon nos enquêtes à Parakou, Nikki, Kandi au Bénin et Dosso et Niamey au Niger, cette activité nourrit son homme. Pour 15 KG de soja transformés par jour au prix de 200 FCFA/KG, le fromage produit est vendu à 9.000 FCFA. Si l’on tient compte d’un coût de production de 5.200 FCFA, la marge nette journalière est de 3.800 FCFA. En ramenant le revenu à l’échelle d’un mois, une commerçante peut gagner entre 75.000 et 100.000 F CFA.
« Quand je prends cinq mesures de soja, je dépense au total 2625 F CFA à raison de 1500 f pour cinq mesures du soja, 300f pour le bois de chauffe et 575f pour l’huile d’arachide. J’ai donc un bénéfice de 2000 F CFA », déclare Dame Sina, une vendeuse de fromage rencontrée à Kandi.
La transformation du soja en fromage est devenue depuis des années, une activité essentiellement rentable. En effet, les femmes sont les principales actrices de la chaîne de valeur du fromage de soja. Toutes les opérations du processus de transformation, à l’exception de la mouture, sont l’apanage des femmes.
De même, elles en assurent la commercialisation, à travers plusieurs formes de consommation qu’elles ont développées. Cela témoigne de leur savoir-faire. « Nous les femmes avions la responsabilité de faire manger toute la famille. Donc préparer le fromage de soja et aller le vendre au marché, c’est notre travail. Il en sera ainsi!», déclare fièrement Dame Mounath, rencontrée à Malanville à la frontière nigéro-béninoise.
Autres impacts
L’activité de transformation de soja en fromage est donc devenue la principale source du revenus des transformatrices qui y consacrent la majeure partie de leur temps. Depuis qu’elles ont commencé cette activité, elles contribuent aux dépenses familiales comme la scolarité des enfants, les soins de santé, l’alimentation de la maison sans oublier l’habillement des membres de la famille.
Mieux, la gestion des déchets issus de la transformation de ce produit et la collecte des eaux usées sont également des opportunités. Pendant la saison sèche, les eaux usées sont distribuées aux éleveurs de bétail pour abreuver leurs animaux. Tout ceci est assorti d’un contrat saisonnier de labour d’un hectare de terre. Quant aux sons de soja, ils sont vendus aux éleveurs qui s’en servent comme complément alimentaire distribués aux animaux à raison de 500 FCFA la bassine de 25 KG. Tout cela constitue d’autres sources de revenus pour le développement de cette activité de transformation du soja en fromage.
En outre, pendant la saison pluvieuse, les eaux usées issues de la transformation sont déversées dans des puisards construits à cet effet. Il convient aussi de souligner que la culture du soja est une activité qui permet d’améliorer la fertilité des sols en lui restituant les éléments prélevés.
Notons également la maitrise des notions écologiques par les femmes qui s’adonnent aux fromages de soja et qui utilisent des foyers améliorés pour la cuisson du fromage. Ce qui permet de réduire la quantité de bois utilisée.
Si ce produit alimentaire peut donc être accompagné de plusieurs mets, les risques d’indigestion ne sont pas trop grands. Car, selon César Ahononga, médecin de son Etat, le soja est riche en vitamines même s’il est déconseille d’ailleurs aux femmes enceintes. Certains spécialistes disent apprécier l’impact du fromage de soja, car il freine la ruée des populations vers le poisson et la viande. Mieux, c’est une alternative au lait de vache qui n’est pas aussi riche en protéine que le lait de soja. Il faut encore de la promotion autour de cette richesse en vue de réduire la dépendance aux poisons, volailles et autres.
Avec le fromage de Soja qui a le vent en poupe, le fromage ‘’Wanrangachi’’ rependra-t-il du poil de la bête devant cette montée en puissance du ‘’amon soja’’ ? Beaucoup de consommateurs pensent que sa suprématie est du passé, car celui du soja est parti pour s’installer durablement.
Encadré
Le soja, une graine miracle
L’impact du Soja OGM sur le revenu des agriculteurs est considérables, les agriculteurs ont réalisé d’importantes économies et ont fait plus de bénéfices selon les résultats de Brooks, G. et Barfoot, P. en 2010. Le soja couvrait 102,6 millions d’ha avec une production d’environ 265 millions de tonnes, à l’échelle mondiale selon le Fonds des Nations unis pour l’alimentation (FAO, 2010). .
Le soja est resté longtemps une culture marginale en Afrique, ce n’est qu’en 1967 que l’IITA a fait de la recherche sur le soja et la vulgarisation des connaissances relatives à cette culture auprès de la population selon les recherches de Karaboneye, en 2013. Il a fallu attendre jusqu’à 1970 que le l’IITA débute son programme d’amélioration de lignées africaines de soja. Aujourd’hui le soja est considéré en Afrique comme une des solutions qui pourrait améliorer la qualité de l’alimentation des populations africaines.
Les graines de soja contiennent de 18 à 25% de lipides, ce qui est un taux relativement faible. Malgré cela, l’huile de soja vient au premier rang mondial de toutes les huiles d’origine végétale et sert à préparer : des margarines des graisses végétales, de l’huile de table, des vernis, des peintures, des savons, de l’encre d’imprimerie, de la glycérine, des lubrifiants,… grâce à son huile, le soja est une plante miracle qui n’est pas encore assez connue.
La farine déshuilée de soja entre pour une bonne part dans l’industrie alimentaire : biscuiterie, boulangerie, pâtisserie, pâtes alimentaires, laiterie, fromage, aliments pour enfants, aliments de régime (diabétiques).
Selon le mémento de l’agronomie, en sa quatrième édition (1993), la composition de lait de soja comparé au de vache donne 5,7% de protéines pour le lait de soja et 3,5% pour le lait de vache. En matière de lipides, le lait de soja renferme 2,4% contre 4% pour le lait de vache. Au niveau des Matières hydrocarbonées, le lait de soja contient 1,4% contre 5,2% pour le lait de vache. Le lait de soja est également composé de cendres : 0,8% contre 0,7% pour le lait de vache. On trouve aussi de l’eau dans lait de soja évaluée à 8,9% contre 86% pour le lait de vache. Il ressort de ce tableau que le lait de soja a plus beaucoup d’éléments nutritifs que le lait de vache.
Le soja est surtout considéré comme un aliment protidique. C’est donc un aliment de choix pour valoriser les régimes à bases de céréales, en particulier, de base de riz.
En outre, le soja et ses farines sont remarquables sources de vitamines B1, B2 et PP. par contre, il ne possède pas de vitamine C. on peut y remédier par consommation de germes de soja qui contiennent de la vitamine C à une dose convenable.
Il est en outre une source de nourriture très économique et en même temps un médicament en raison de son contenu en génistéine, en produits photochimiques et en isoflavones.
La composition moyenne de graines entières de soja est de 335 calories, 8% d’eau, 38% de protides, 18% de lipides, 31,30% de glucides et 4,70% de cendres. La composition des farines entières, cuticule enlevée est de 357 calories, 8% d’eau, 39% de protéines, 21% de lipides, 27,40% de glucides et 4,60% de cendres. Quant à la farine particulière déshuilée, elle contient 261% de calories, 8% d’eau, 46% de protéines, 5% de de lipides, 36,20% de glucides et 4,80% de cendres. Ces données issues de la quatrième édition du mémento de l’agronomie (1993) montrent bien que la graine transformée de soja est encore plus riche qu’une graine entière.
Ainsi donc, le soja, une légumineuse apparue en chine depuis l’an 3000 avant Jésus-Christ, est cultivé depuis des millénaires en Extrême-Orient, et n’a été répandue que récemment dans le monde en passant par l’Amérique et l’Europe pour finalement regagner l’Afrique. Il contribue à l’amélioration de la qualité alimentaire humaine, grâce à sa forte teneur en acides aminés essentiels (lysine, l’isoleucine, thréonine et méthionine) selon une étude menée par Sandrine A. en 2013.
Marc GBAGUIDI

Bénédicte DEGBEY

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