Covid/conséquences humanitaires sur les populations vulnérables : Les personnes âgées du Bénin, un regard pour eux

(Cet article de la rédaction a reçu le 3ème prix HCR africain de la presse 2020)
Isolement, angoisse, stigmatisation, stress, campagne de sensibilisation non adaptée…sont les maux liés au contexte pandémique qui se sont greffés aux antécédents sanitaires des personnes du troisième âge au Bénin. Résultat, leur santé psychologique a été durement affectée et ébranlée. Quelques-uns témoignent.
Par Dorice DJETON GOUDOU
« Sans avoir été atteint du coronavirus, ma santé mentale a pris un coup. C’était comme si je devais m’enfermer et ne plus jamais ressortir. Plus mes petits enfants regardaient la télévision, plus ils étaient convaincus que je devais retourner au village vivre seul. Le tout petit d’entre eux disait à haute voix, ce que pensaient ses frères et même ses parents à mon insu. C’était stressant et inquiétant. ». Tel est le témoignage de Barnabé Atinhoué, un septuagénaire rencontré à Abomey-Calavi, l’une des villes du département de l’Atlantique. Il nous raconte son désarroi au début de la pandémie au Bénin. Alors qu’il vivait avec son fils ainé et ses petits-fils, il a subi l’isolement et une sorte de rejet qui ne dit pas son nom.
La santé mentale fait l’objet d’un large éventail d’activités qui relèvent directement ou indirectement du « bien-être », telle qu’elle figure dans la définition de la santé établie par l’OMS comme étant : « Un état de complet bien-être physique, mental et social, et [qui] ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité. ». Fortuné Houénon, psychologue clinicien explique que la covid-19 a déjà un volet psychologique qui est une angoisse, une souffrance psychologique pour tout le monde. « Et n’oublions pas aussi la stigmatisation. Il y a l’auto-stigmatisation d’abord qui fait que les personnes âgées même se disent que les gens vont les rejeter et il y a aussi le rejet social qui est la stigmatisation des hommes. Or les personnes du troisième âge avec la vieillesse ont besoin d’assistance. Ce qui est devenu compliqué avec la distanciation sociale, le port du masque qui constituent de nouvelles formes d’éducation, de nouvelles formes d’adaptation. Donc, la souffrance psychologique des personnes âgées a été plus grande que celle des autres couches. ».
Chaque communauté affectée différemment…
Dans une Note de synthèse intitulée : ‘’Nécessité de tenir compte de la santé mentale dans le cadre de la lutte contre la COVID-19’’, publiée par les Nations-Unies le 13 mai 2020, il a été rappelé que : « Bien que la pandémie de COVID-19 soit, avant tout, une crise de santé physique, elle porte également en elle, si aucune mesure n’est prise, les germes d’une crise de santé mentale majeure.». Alors qu’une bonne santé mentale est essentielle au bon fonctionnement de la société en tout temps, elle doit donc être au cœur de la lutte menée par chaque pays contre la pandémie en vue d’un retour à la normale.
Le même document insiste sur le fait que dans chaque communauté, de nombreuses personnes âgées ou ayant des problèmes de santé préexistants sont terrifiées et se sentent seules. Pourtant, en raison de l’ampleur du problème, la grande majorité des besoins en matière de santé mentale ne sont toujours pas prises en charge. « J’aurais voulu confier mon angoisse à un spécialiste quand les cas ont commencé par grimper au Bénin, mais nous n’en n’avons pas l’habitude. J’ai dû subir comme tout le monde.», s’exprime une dame, la soixantaine ayant requis l’anonymat.
Ariane Adjolohoun, assistante sociale pour sa part reconnait qu’il aurait été bien que l’information du coronavirus soit aussi structurée de façon à parvenir de façon claire aux personnes âgées. « Mais voyez déjà la difficulté qu’il y a eue pour les autres classes d’âges d’intégrer toutes les informations quand c’était vraiment la panique. C’était la panique pour tout le monde de façon transversale, au niveau de toutes les catégories d’âges. Je ne pense pas qu’il y a eu une spécificité de communication, d’information vers les personnes du troisième âge. Ce qui aurait dû être le cas. Par exemple dans les communications gouvernementales et les sensibilisations faites par sens du civisme par les bonnes volontés, cela aurait pu être : « Protégez-vous mais protégez aussi les personnes âgées sans les stigmatiser.». Fulgence Ahounangonou, coach en leadership parentale recommande aujourd’hui que les personnes du troisième âge ne s’exposent plus trop à l’information du coronavirus surtout qu’il existe des chaines qui font l’apologie de la pandémie sans penser aux différentes couches sociales.
Des témoignages qui prouvent à suffisance qu’au Bénin, la santé mentale des personnes du troisième âge mérite une attention particulière au regard des informations stressantes dont les médias voulant bien faire ont bombardé la population sans distinction d’âge.
Certes, le Bénin dispose d’un politique de prise en charge psychosociale des personnes âgées. Il s’appuie sur un document d’orientation en vue de l’amélioration des prestations à ces catégories de personnes.
Cependant, il urge qu’un autre regard soit porté sur la santé mentale des personnes du troisième âge au regard des informations stressantes liées au coronavirus dont les médias voulant bien faire ont bombardé la population sans distinction d’âge.