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Bénin : La prison dorée pour Réckya Madougou( Une réflexion de l’universitaire Nathaniel Kiti)

Bénin : La prison dorée pour Réckya Madougou( Une réflexion de l’universitaire Nathaniel Kiti)

Depuis le 2 novembre 2022, le groupe de travail sur la détention arbitraire du Conseil des droits de l’homme de l’ONU a rendu son avis sur l’affaire Réckya Madougou. Il a enjoint au gouvernement béninois, qui a fait valoir ses arguments dans la procédure, la libération immédiate et le dédommagement de l’interessée.

Depuis lors, madame Réckya Madougou continue de croupir derrière les barreaux. Or, en la matière, elle se fera payer par le trésor public béninois des préjudices patrimoniaux et extrapatrimoniaux subis depuis son arrestation le 3 mars 2021. Il s’agira au moment venu, de faire une estimation desdits préjudices afin d’en être payés. Ce sont les citoyens béninois qui paieront pour la faute des gouvernants. Une journée de plus en prison, constitue pour madame Réckya Madougou une aggravation de ses préjudices et par conséquence, un gain.

Pour certains, le gouvernement n’exécutera pas l’avis rendu malgré le fait qu’il ne soit plus susceptible de recours. A moins de saisir la Cour constitutionnelle pour déclarer ledit avis contraire à la Constitution. Le ridicule ne tuant pas au Bénin, un tel scénario n’est pas à exclure. Or, il n’aura aucun effet sur l’avis devant les Nations Unies. Les cas Karim Wade au Sénégal, Aun San Shu kii en Birmanie en sont illustratifs pour ne citer que ceux-là. Les deux ont fini par être libérés dans leur pays même si la dame de Rangoon a été emprisonnée à nouveau après un autre coup d’État. Macky Sall a quant à lui, trouvé un accord politique avec Karim Wade pour l’éloigner du Sénégal.

Si le gouvernement ne s’exécute pas jusqu’à la fin du délai de six mois imparti, le groupe dressera un rapport au Conseil des droits de l’homme qui a son tour en fera autant au SG de l’ONU qui portera l’affaire devant le Conseil de sécurité qui conformément au chapitre 7 de la charte des Nations Unies, est chargé d’assurer la paix et la sécurité internationale.

Les sanctions pourront être prises contre le Bénin et ses gouvernants. En cette matière, ce sont encore les populations, qui depuis 2016 serrent les ceintures à n’en point finir, qui en souffriront dans leur quotidien. Nous souhaitons à nos gouvernants la voie de la sagesse pour épargner aux Béninois les déconvenues qui découleraient de leur résistance à l’application des décisions de la justice internationale.

Les décisions de la Cour africaine des droits de l’homme et des peuples dans l’affaire Sébastien Ajavon attendent toujours leur exécution et les préjudices subis par ce dernier s’aggravent chaque jour. Or, lesdites décisions ne pourront plus changées. Les gouvernants doivent savoir, qu’après dédommagement, et avec la loi 2019-11 du 25 février 2019 portant renforcement juridique et judiciaire de la gouvernance publique au Bénin, l’Etat pourrait exercer une action récursoire contre tous ceux qui seraient responsables comme l’avis l’a demandé, de l’arrestation et de la condamnation arbitraire de Madame Réckya Madougou ( agents des forces de défense et de sécurité publique, juges, ministres etc). Si Madame Réckya Madougou n’est pas vite libérée, elle sera la seule à avoir le sourire large à la fin de son incarcération et le peuple béninois et les gouvernants actuels vont en souffrir mais ne pourront rien, car elle serait dans ses droits. A moins de devenir présidente de la République pour abandonner le dédommagement contre ce lot de consolation.

Le président Patrice Talon l’a fait dans l’affaire PVI, une fois élu en 2016. Il reviendra alors à Madame Réckya Madougou de s’armer de courage et d’un mental d’acier pour tenir en prison jusqu’à sa libération tout en faisant l’évaluation quotidienne de ses préjudices. Elle pourrait s’en sortir plus riche qu’elle le serait libre de ses mouvements même si la liberté n’a pas de prix. C’est au peuple et aux gouvernants de choisir. Le plus tôt serait le mieux. KITTI Hinnougnon Nathaniel, enseignant-chercheur en science politique et en droit public, Fadesp, UAC

Site www.lafriqueenmarche.info du 17 novembre 2022 No 283

Bénédicte DEGBEY

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