Bénin/ Enseignement supérieur public: faire le deuil de la gratuité ou imposer le pragmatisme fiscal ? ( Lire le dossier du jour)
Bénin/ Enseignement supérieur public: faire le deuil de la gratuité ou imposer le pragmatisme fiscal ? ( Lire le dossier du jour)
Est-il juste que l’université soit gratuite ? Les ardents défenseurs de la gratuité de l’enseignement supérieur public sont d’accord. Quant aux financiers, il faut payer un peu plus cher, mais moins que dans les universités privées.
Il faut expliquer brièvement les considérations qui sous-tendent ces deux réponses.
Doit-on privilégier le statu quo, en argumentant que la gratuité d’un privilège ne peut se justifier que si elle sert l’intérêt de ceux qui n’y ont pas accès.
Bien sûr que oui ! Pour défendre le oui, nul besoin d’invoquer un absurde droit humain fondamental à étudier aux frais de l’Etat.
Partons plutôt d’une conception de justice sociale
Il y a manifestement d’énormes inégalités de chances face à la vie. Pour cela, faire payer l’Université plus que de manière symbolique ( 15.000 F CFA pour les anciens par exemple) même en facilitant les prêts, ce serait inévitablement dissuader des personnes d’origine plus modeste d’y venir.
Mieux, pour qui des études supérieures, même gratuites, elles constituent déjà un investissement plus pesant et plus risqué.
Comme l’accès à l’université affecte le succès économique ultérieur, la reproduction des inégalités sociales, de génération en génération, s’en trouverait favorisée.
On peut bien entendu imaginer un système de gratuité sélective, ou de bourses substantielles modulées selon le revenu familial.
Mais comparé à la gratuité, un tel système présente trois désavantages qui, conjointement, sont décisifs.
D’abord, la difficulté administrative de le mettre en œuvre ne cesse de s’amplifier, en fonction de la complexité croissante des relations entretenues avec leurs familles.
Ensuite, toute sélectivité ciblée sur les « pauvres » entraîne une forme plus ou moins humiliante de stigmatisation, avec ce que cela peut impliquer d’hésitation à faire valoir ses droits
C’est mieux pour les (enfants des pauvres) d’invoquer la thèse farfelue d’une harmonie préétablie entre les exigences de la justice et les lois du marché. Pour justifier le non, pas besoin non plus d’avancer la constatation factuelle selon laquelle, les enfants des familles les plus riches bénéficient de manière disproportionnée de l’enseignement supérieur.
Comme pour un certain nombre d’autres dépenses publiques, l’enseignement obligatoire est le lieu d’un « effet Mathieu », c’est-à-dire prendre exemple sur la formule « A celui qui a, tu donneras encore ! » attribuée au Christ dans l’Evangile selon Saint Matthieu.
On ne peut cependant pas en inférer que la gratuité de l’enseignement supérieur en devient anti-distributive. Pour pouvoir le faire, il faut au préalable comparer la jouissance de l’enseignement supérieur et le sens disproportionnel dans son financement. (La suite dans notre prochain dossier.).
Elysée NOBIME
Site www.lafriqueenmarche. info du 27 avril 2022 No 147