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Bénin/ Enseignement supérieur : Diplômés, ils se retrouvent dans des jobs.

Bénin/ Enseignement supérieur :   Diplômés, ils se retrouvent dans des jobs.

(Lire l’éclairage de Didier Maixent Djeigo, secrétaire permanent du CC/UEMOA).

Au Bénin, le chemin qui mène à l’emploi n’est pas un long fleuve tranquille. Le parcours est parsemé d’obstacles de plus en plus nombreux. Des jeunes diplômés pour joindre les deux bouts se lancent dans des activités autres que celle dans laquelle ils ont été formés. L’expert Didier Maixent Djeigo, secrétaire permanent du Cadre de concertation des ministres de l’Uemoa (CC/UEMOA) et d’autres spécialistes analysent sous toutes les coutures, la question de l’emploi au Bénin.

« Je suis titulaire d’une licence en géographie depuis près de trois ans. Mais aujourd’hui, je me retrouve dans ce kiosque de mobile money où je suis à peine à 35.000f le mois faute du manque d’emploi », livre Kuami, tout triste.

Cette situation est devenue légion de nos jours. Le beau temps où l’emploi attendait les diplômés est révolu. Des milliers de jeunes diplômés des universités publiques et privées se retrouvent aujourd’hui à la maison ou au mieux, dans des activités indignes de leur niveau d’études. « Au début des indépendances, il était facile d’avoir un emploi. Celui qui avait le BEPC était un « Seigneur ». Il fut un temps dans ce pays, lorsque vous avez le diplôme vous êtes recruté sans faire de test. Les concours étaient réservés aux personnes plus intellects.», témoigne Dieudonné Lokossou, ancien secrétaire général de la Confédération des syndicats autonomes du Bénin (CSA-Bénin). « À l’origine on parlait de « boulot de l’Etat ».» précise Yannick Viho, enseignant et conseiller pédagogique à la retraite. « Mais avec les diverses crises économiques et la croissance démographique, les économies sont devenues de plus en plus faibles et le nombre de diplômés plus élevé. L’État ne peut plus recruter tous les diplômés des universités. C’est ce qui a accru le chômage dans un premier temps et le sous-emploi dans un second temps.». poursuit-il.

Emploi mais parfois instable.

Si certains bon gré mal gré se retrouvent dans des emplois très peu décents comme Diane titulaire d’une maîtrise en linguistique qui aujourd’hui, se retrouve comme servante dans un bistro, d’autres souffrent de l’instabilité qui caractérise l’emploi sous nos cieux.

« J’ai déjà 33 ans, j’ai une maîtrise en sociologie et depuis sept ans que j’ai fini mes études, je n’ai pas un emploi fixe et ce n’est pas faute de n’avoir pas essayé. À l’occasion, je participe à la réalisation d’enquêtes. Mais ce n’est pas suffisant, le quotidien est difficile à gérer. », confie José, les larmes aux yeux. Assise sur un tabouret devant sa porte, pagne noué autour de la poitrine, sandalettes usées, elle était visiblement si désespérée au point de ne plus accorder une importance particulière à sa toilette, levant de temps en temps les yeux vers le ciel comme pour implorer le Seigneur.

Samson quant à lui a 22 ans. Orphelin de père, il vient d’avoir, avec mention sa licence option Banque et finance mais est toujours à la recherche de son premier emploi. Depuis six mois il fait le tour des banques à la recherche d’un emploi mais toutes les portes semblent être verrouillées à double tour. Aucune banque n’acceptant lui offrir l’opportunité, il aide pour le moment sa maman à vendre des beignets. « J’en suis arrivé à me demander si j’ai fait un mauvais choix en ce qui concerne ma filière de formation. Pour éviter ce que je vis actuellement, je m’étais donné tout entier aux études. J’espérais, avec ma formation, trouver un emploi et venir en aide à maman pour que ses affaires prospèrent. Hélas ce vœu devra attendre.», confesse-t-il, avec un sentiment de regret. 

Chômage et sous-emploi font rage

Selon le Bureau international du travail (BIT), un chômeur est une personne en âge de travailler (15 ans ou plus) qui répond simultanément à trois conditions. On peut citer d’abord être sans emploi, c’est à dire ne pas avoir travaillé au moins une heure durant une semaine de référence. Ensuite, être disponible pour prendre un emploi dans les 15 jours et avoir cherché activement un emploi dans le mois précédent ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

Sur la base de cette définition adoptée en 1982, les chiffres du chômage, dans l’espace UEMOA, tournent autour de 2 à 5%. Il est plus accru chez les personnes âgées de 15 à 35 ans, constate l’ancien secrétaire permanent du CC/UEMOA, Didier Maixent Djeigo.

Au Bénin, selon les résultats de l’Enquête modulaire intégrée sur les conditions de vie des ménages (Emicov 2015), ce taux, au sens de la définition du BIT, est de 0,7% et se concentre chez les jeunes urbains ayant suivi une éducation secondaire ou supérieure.

Quant au sous-emploi, il concerne les personnes actives occupées réparties dans de nombreuses catégories. Il y a celles qui travaillent à temps partiel, et qui souhaitent travailler davantage et sont disponibles pour le faire, qu’elles recherchent activement un emploi ou non. Il y a celles qui travaillent à temps partiel (et sont dans une situation autre que celle décrite ci-dessus) ou à temps complet, mais ont travaillé moins que d’habitude pendant une semaine de référence en raison de chômage partiel (chômage technique) ou mauvais temps.

Sur cette base, il est plus approprié de parler de sous-emploi en Afrique, fait remarquer M. Didier Maixent Djeigo. Selon l’Emicov 2015, le sous- emploi est estimé à 52% et un peu plus en zone urbaine.

Plusieurs raisons justifient ces taux au Bénin. Pour Dieudonné Lokossou, ancien secrétaire général de la CSA-Bénin, « les ressources de la société ne sont pas mises à disposition du pays. Il y a plus de sous dilapidés ; ce qui fait qu’on ne peut ainsi créer ni l’emploi, ni la richesse ». Les sous, fustige le leader syndical, « sont détournés vers d’autres objectifs. C’est le problème fondamental, sinon, il pouvait y avoir assez de travail pour tous les citoyens. ».

Pour Jean de Dieu Tossa, syndicaliste à la retraite, « C’est la catastrophe dans notre pays ! On a de beaux discours officiels sur l’adéquation formation-emploi, mais en dessous, aucune mesure n’est prise. La réalité est palpable dans les amphithéâtres de nos universités où il y a plus de formation théorique ». Cette inadéquation entre l’offre et la demande sur le marché de l’emploi est également mise en exergue par le secrétaire permanent du CC/UEMOA. « Les profils des diplômés de nos universités ne sont pas toujours adaptés au besoin du marché de l’emploi », relève l’expert.

Solutions et approches pour éviter la saignée.

La première solution préconisée est l’adaptation de la formation aux besoins du marché de l’emploi. Pour développer l’emploi, poursuit Didier Maixent Djeigo, il faut renforcer la formation. L’une des mesures prises à cet effet au niveau sous régional est de créer une plateforme de mutualisation des curricula de formation.

Pour l’ancien secrétaire général de la CSA Bénin, il s’avère nécessaire d’assurer l’orientation précoce des enfants dès le primaire en identifiant l’aptitude de l’apprenant et en l’orientant très tôt vers une formation adéquate. Il faudra également, estime-t-il, accorder une importance particulière à la formation professionnelle et technique.

L’Etat se doit également d’améliorer l’environnement fiscal et juridique pour accompagner la création d’entreprise. « Il s’est révélé que 80% des entreprises meurent au cours des trois premières années. La meilleure manière de promouvoir l’emploi et de lutter contre le chômage et le sous-emploi, c’est d’abord d’appuyer les leviers qui permettent de créer l’entreprise, souligne Didier Maixent Djéigo.

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Jean de Dieu Tossa estime, quant à lui, que la jeunesse doit se mettre au travail et lutter, pour accéder à l’emploi par le mérite de chacun et non sur la base de l’appartenance à un groupe ethnique, à une religion ou à un parti politique. L’État se doit de bien gérer notre pays, pour qu’il y ait assez de ressources pour créer de l’emploi, souligne-t-il.

Par Emeric OkOUPELI.

Bénédicte DEGBEY

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