BENIN/EDUCATION : N’IMPORTE QUI PEUT DESORMAIS ENSEIGNER LE FRANÇAIS

Enseigner le français sans avoir été formé pour est désormais possible au Bénin. Une décision du ministère en charge de l’Enseignement secondaire vient assener un coup au système éducatif déjà en lambeau.
La réforme de l’enseignement secondaire relative aux aspirants au métier de l’enseignement n’a pas fini de livrer tous ses secrets. Et pour cause !
Une décision de certaines autorités de l’enseignement secondaire autorise des professeurs d’histoire et géographie, d’anglais et de philosophie à enseigner le français au détriment de ceux qui ont été formés pour le français. Lorsqu’on sait que certains aspirants ayant le Capes avec une dizaine d’années d’expériences dans l’enseignement du français sont laissés sur le carreau, l’on est en mesure de se poser des questions sur les véritables raisons de cette réforme. Dame ReeceHokpon, titulaire d’une licence en lettres modernes et d’un Capes, pourtant admise à l’évaluation diagnostique des aspirants au métier de l’enseignement est à la maison depuis le mois de septembre où la rentrée scolaire a démarré. Ses tentatives pour se faire redéployer sont demeurées vaines. Et comme cette jeune femme pétrie d’expériences dans l’enseignement du français, nombreux sont ceux parmi ces enseignants ayant le diplôme, le profil et les aptitudes nécessaires et qui sont à la maison depuis plusieurs mois. « A quoi bon avoir dépensé autant dans la formation professionnelle si l’on ne peut servir et exercer ce que l’on a appris. Ce n’est qu’avec les établissements privés que nous arrivons à glaner quelques heures de vacation en français pour pouvoir joindre les deux bouts », se désole un autre aspirant.
Lorsqu’on sait que ces enseignants d’histoire n’ont même pas eu le temps de se préparer, il y a lieu de s’interroger sur leur capacité à tenir dans les classes et à faire face aux préoccupations des apprenants. Léonard Yiha, animateur d’établissement (AE) en français dans un collège de la place ne parvient pas encore à expliquer cette décision tant il imagine les difficultés auxquelles seront confrontés ses collègues de géographie et d‘anglais devenus subitement enseignants de français. Il se confie : « Tout porte à croire que le système éducatif est entrain de s’effondrer. Le français, c’est la base de toutes les autres matières et ne peut l’enseigner qui veut mais ceux qui ont été préparés pour le faire ». Cet AE préconise que l’Etat prenne le temps de les former si tant est qu’ils ne peuvent plus être employés pour enseigner leur matière de prédilection qu’est l’histoire te la géographie. « Enseigner le français nécessite la maîtrise des notions de grammaire, de conjugaison, de vocabulaire et d’orthographe et bien d’autres habiletés. Le français, c’est aussi des ouvrages au programme », précise-t-il.
Une réforme qui avait déjà existé mais…
Ceux à qui profitent cette décision des autorités en charge de l’éducation applaudissent et justifient. Ils estiment que cela n’a rien de nouveau et que cela a existé par le passé et qu’un même professeur était en mesure d’enseigner deux à trois matières. « J’ai connu des enseignants qui ont enseigné l’anglais et l’allemand quand j’étais encore au collège. S’ils ont pu le faire, c’est que ce n’est impossible», s’exprime un aspirant en histoire et géographie qui visiblement trouve son compte dans la réforme. Mais au-delà de cette réforme, la préoccupation qui surgit est de savoir si les résultats d’excellence auxquels s’attendent les responsables en charge de l’éducation seront atteints. « Il ne faudrait pas décharger après des directeurs d’établissement pour défaut de résultats. Cela serait inacceptable parce qu’ils ne sont pas responsables de tous les maux qui minent l’école béninoise. Des décisions comme celle des géographes enseignant le français sans aucune préparation, sont à déplorer », a lâché, le censeur d’un établissement qui a requis l’anonymat par crainte de représailles.