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BENIN/EDUCATION INSPECTION PEDAGOGIQUE : ENTRE TRAUMATISME ET PASSION

BENIN/EDUCATION INSPECTION PEDAGOGIQUE : ENTRE TRAUMATISME ET PASSION

Parler d’inspection pédagogique revient à aborder un sujet très sensible pour les enseignants. Instaurée pour veiller principalement à la qualité de l’enseignement dispensé, certains enseignants en gardent de très mauvais souvenirs tandis que d’autres sont euphoriques quand il s’agit d’en parler.
« J’ai gardé de très mauvais souvenirs quand j’ai fait ma première inspection. Dès l’entame, l’inspecteur monta au créneau. Les reproches fussent. Je perds mes repères avec cette charge mais j’ai très vite retrouvé mes esprits. Quelques minutes après, l’inspecteur fouettard reprend de plus bel. Des reproches, il est carrément passé aux insultes. Il était condescendant et avait la science infuse. Certains de mes élèves de cette classe de CMI ont commencé même par rire. Car j’ai été humilié devant mes élèves. Je n’ai pas oublié cet instant de déshonneur. C’est un moment que je ne suis pas d’oublier », raconte avec amertume cet instituteur qui a requis l’anonymat.
Importante pour le plan de carrière et les demandes de promotion, l’inspection pédagogique permet d’apprécier les activités et les compétences du personnel enseignant dans leur domaine, le respect des programmes et leur efficacité dans les apprentissages.
Elle prend également en compte leur implication dans le fonctionnement général de l’école, de l’établissement et de l’institution. L’annonce de l’inspection est faite par une rencontre directe entre l’inspecteur et le chef d’établissement. Aucune disposition ne prévoit de délai réglementaire entre l’annonce et l’inspection elle-même.
Mais la prise de contact dans cet exercice est un élément important. Il s’agit des instants de rencontre entre l’enseignant et son visiteur. Elle commence dès que l’enseignant constate la présence de son visiteur dans l’école, jusqu’avant le démarrage de la situation d’apprentissage avec les élèves. Dans tous les cas évoqués, il y a toujours une montée d’adrénaline, qui fait naître ne serait-ce qu’une petite crainte chez l’enseignant. Cela pourrait être dû aux préjugés liés au passé de l’inspection. Un passé, ne le nions pas, qui demeure encore présent dans bien des cas chez nous. Il revenait au visiteur d’aller à l’encontre de cette peur par la démarche appropriée pour contribuer à sa dissipation ou de l’entretenir. En ce qui concerne nos cas, ils ont tous choisi la première démarche. Sylvain Tolo. enseignant à la retraite depuis 18 ans se confie : « A l’époque, dans les années 1970, il arrivait que des inspecteurs soient empathiques avec les enseignants ». Il poursuit : « A l’époque, on ne parlait pas d’Unité pédagogique (UP) mais de Centre d’animation pédagogique (CAP). Et les CAP couvraient un territoire beaucoup plus vaste que les UP. Un CAP pouvait regrouper des enseignants couvrant une bonne partie du territoire d’une circonscription scolaire actuelle. Evidemment les écoles y étaient beaucoup moins nombreuses qu’actuellement. C’est dans le cadre de la tenue d’une séance du CAP que j’ai reçu la visite de l’inspecteur de la région. Je m’étais porté volontaire pour dérouler les deux leçons prévues à l’occasion. Une au CI, ma classe d’alors et l’autre au CE1. Au début j’avais une petite crainte. Pour démarrer ma leçon, j’ai dit à mes élèves : debout ! Assis ! Ranger les tables, sans me rendre compte du sens de cette phrase ». Vite, l’inspecteur a attiré subtilement mon attention en me disant calmement : « Maître, comment pourraient-ils ranger les tables ». C’est alors que je me suis rendu compte de mon erreur et je me suis corrigé. Aussitôt après, l’inspecteur me dit avec sourire inhabituel mais empreint de bienveillance, « jeune homme, nous ne sommes pas là pour te couper la tête. Reprends ton esprit. ». Cela m’a rassuré et j’ai pu travailler sereinement par la suite.
Du vécu pédagogique à l’analyse pédagogique
Le vécu pédagogique, c’est le moment où l’enseignant commence par mettre en œuvre la situation d’enseignement/apprentissage. Là, deux cas se dessinent. Soit le visiteur fait la cogestion de la classe avec l’enseignant, en se trouvant les bonnes portes d’entrée, ou il reste un observateur presque passif jusqu’à la fin de sa visite.
Après le vécu pédagogique, l’enseignant et son hôte ainsi que son directeur se retrouvent pour échanger sur la situation vécue afin de rechercher des pistes d’amélioration. PhillipeAgossa, est enseignant en classe de CP. 10 ans d’ancienneté dans le métier, il évoque un souvenir relatif à l’analyse pédagogique après la visite de classe du conseiller pédagogique de sa zone qui l’a particulièrement et positivement marquée. « Quand j’eus fini le déroulement, il prit ses documents et me dit qu’il me fera appel tout à l’heure en se dirigeant vers la sortie. A l’entame de l’analyse du vécu pédagogique, il dit à ma directrice qu’il me remercie sincèrement de lui avoir donné l’occasion de travailler avec moi et me félicite aussi pour ma prestation. Il expose devant ma directrice, mes points de réussite et m’encourage à persévérer dans ce sens. Ensuite il dit à ma directrice qu’il y a quelques deux points pour lesquels il souhaiterait qu’elle travaille avec l’ensemble des enseignants sous sa supervision. J’ai compris à la fin, que l’objectif de cette visite était vraiment de nous renforcer. Mais j’avais connu bien d’autres visites avant et après celle-là qui n’ont pas été pareilles. ». Dans tous ces cas présentés, ce moment a été tout aussi convivial que les deux premiers.
A l’analyse des propos des enseignants interviewés, sur ce qui caractérise ces cas d’inspection, on retient que la mise en confiance de l’enseignant par son visiteur est un élément fondamental. Cette mise en confiance ne se limite pas simplement à des propos qui peuvent relevés du formalisme. Elle touche au ton de la voix qui révèle les profondeurs des propos. Ceci, l’inspecté peut le sentir instinctivement. Elle prend aussi en compte, l’expression du visage du visiteur, l’empathie qui se dégage du ton de sa voix, de son regard et des gestes qu’il fait. C’est cette empathie qui fait que le visiteur évite d’élever le ton quel que soit les déviances de l’enseignant. Il comprend les insuffisances de l’enseignant, en analyse les causes profondes et peut lui proposer un cheminement de remédiassions approprié au cours de l’analyse du vécu pédagogique.
La mise en confiance commence dès la prise de contact et se poursuit même au-delà du moment de cette visite. C’est en cela que peut naître une complicité qui rassure définitivement l’enseignant à adopter son visiteur comme un recours en cas de nécessité pour sa professionnalisation. Le système scolaire et principalement l’inspection scolaire béninoise en s’investissant davantage pour que des cas similaires d’inspection s’enregistrent pour le plus grand bien des apprenants, fer de lance de l’avenir de la Nation.

Bénédicte DEGBEY

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