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Assurances/Etats des lieux et perspectives en Afrique : 1,5 % de marché pour 13% d’actifs

Assurances/Etats des lieux et perspectives en Afrique : 1,5 % de marché pour 13% d’actifs

L’Afrique suscite l’intérêt grandissant des acteurs de l’assurance. Depuis quelques années, ils ont investi le secteur, mais non sans difficultés. À l’échelle mondiale, l’Afrique ne représente que 1,5 % du marché global de ce secteur, alors qu’elle pèse pour 13 % de la population mondiale. Comment inverser les tendances?
Le marché africain des assurances a connu une augmentation de 12% des primes émises en 2017 à 66,7 milliards $. La valeur des primes émises par les assureurs opérant en Afrique a progressé de 12,26% en 2017, selon des indicateurs disponibles sur une plateforme développée par le réassureur ‘’Swiss Re’’. Elle a atteint 66,7 milliards $ au 31 décembre 2017, contre 59,4 milliards $ au cours de l’année 2016. Cette progression intègre une amélioration (+13,7%) de la valeur cumulée des primes émises dans le cadre des activités d’assurance-vie (44,9 milliards $) et une progression de 9,27% des primes dans le segment non-vie, à 21,7 milliards $. L’Afrique du Sud demeure le super géant de ce marché global de 71,7%, dont 85,3% pour le segment vie et 43,6% pour le segment non-vie. Le top 3 est complété successivement par le Maroc (5,6% de parts de marché) et le Kenya (3% de parts de marché).
Sur le reste du marché africain qui regroupe tous les pays qui ne sont pas dans le top 10, la valeur cumulée des primes émises s’est améliorée de 11,82% en 2017. Il comprend le grand espace qu’est celui de la zone Cima qui regroupe 14 pays d’Afrique francophone au sud du Sahara. Malgré le potentiel qu’elle représente pour les assurances, elle doit encore trouver son juste équilibre avec plusieurs réformes difficilement mises en œuvre.
Enfin, au-delà de la progression enregistrée, la part de l’Afrique sur le marché mondial des assurances demeure assez marginale. Au total, en 2017, la valeur des primes émises dans le monde a atteint de 4891 milliards $. Le taux de pénétration de l’assurance en Afrique oscille autour des 3%. La palme d’or revient à l’Afrique du Sud qui atteint les 17%. Le Maroc, pays hôte de la 26ème conférence de la Fédération afro-asiatique d’assurance et de réassurance (Fair 2019) qui s’est tenue à Marrakech du 23 au 25 septembre affiche quant à lui un taux de pénétration de 3,08 %. En d’autres termes, les sommes payées pour garantir les risques restent, en général, extrêmement faibles par rapport à la richesse produite par les pays africains.
De ce fait, le continent n’a qu’une part minime par rapport au marché mondial de l’assurance. En effet, sur les 5 193 milliards de dollars de primes émises en 2018 (en hausse de 4,8 %), les primes émises en Afrique ne représentent que 1,8 %, d’après les données de ‘’Swiss Re’’. Mais pourtant, l’Afrique compte 1,5 milliard d’habitants et la croissance démographique du continent est telle que sa population devrait doubler d’ici 2050, selon les Nations Unies. La classe moyenne est en constante croissance. Et pour ces raisons et bien d’autres, l’Afrique se transforme de plus en plus en centre d’affaires stratégique pour le monde, exposant les entreprises à de nouveaux risques, lesquels multiplient les défis auxquels doit faire face le secteur de l’assurance et de la réassurance. Mais pour les professionnels du secteur, les réalités du continent et les défis auxquels sont confrontés les assureurs et les réassureurs représentent pour eux ‘’un gisement d’opportunités’’.
Quelques obstacles du marché d’assurance
Les raisons majeures du faible taux de pénétration de l’assurance en Afrique sont à chercher du côté des facteurs économiques. A ce titre, on peut citer la faiblesse du produit intérieur brut et des revenus par ménage et par habitant, le déficit des infrastructures, les retards en matière d’éducation et de santé. Toute cette situation a pour conséquence une paupérisation croissante des populations rurales et urbaines.
Faute de ressources suffisantes pour vivre, les populations ne peuvent épargner pour l’avenir. Elitiste, l’assurance reste limitée aux entreprises. A ce constat, vient s’ajouter la rareté des contrôles effectués par l’Etat dans un secteur qui devrait pourtant être strictement réglementé compte tenu des implications financières et économiques très lourdes.
Enfin, les problèmes de gouvernance, de pratiques courantes de la fraude à l’assurance et les insuffisances de la formation professionnelle, notamment dans les petites sociétés contribuent à entraver le développement de l’assurance.
Outre l’insuffisance de pouvoir d’achat des populations locales et leur faible culture de l’assurance, il y a d’autres facteurs qui font obstacle au développement de l’assurance sur le continent africain. Il s’agit de l’inadaptation de la réglementation et du contrôle des états ; la rigidité des politiques d’octroi des agréments aux compagnies. On a aussi le non-respect de l’obligation d’assurance ; la délocalisation de l’assurance des grands risques ; la lourde fiscalité des contrats d’assurance. En outre, il y a l’importance des arriérés de primes  et l’insuffisance des structures de formation. Enfin, on a la faiblesse de la bancassurance et les produits peu adaptés aux contextes locaux.
Il faut également noter la faible représentativité des compagnies d’assurance africaines. Ceci s’explique par les insuffisances structurelles d’un secteur trop disparate. De nombreuses sociétés à capitaux restreints détenant d’étroites parts de marché coexistent avec des filiales de groupes internationaux et panafricains. De ce fait, nombre de marchés se trouvent saturés par une pléthore de petits assureurs dépourvus de moyens financiers.
Concernant la structure des risques, l’assurance des risques automobile et transport est prépondérante contrairement à l’assurance vie qui connaît une croissance lente. Cette dernière remarque ne s’applique pas à l’Afrique du Sud qui possède un marché vie très puissant.
Quelques perspectives de développement de l’assurance
Le secteur de l’assurance doit participer dans son ensemble à l’émergence d’un marché financier national. En effet, les objectifs assignés à la Cima est d’améliorer la couverture des risques en les adaptant aux réalités africaines. Mieux, il s’agit d’encourager la rétention des affaires au plan national et régional et de favoriser l’investissement local des provisions générées. Il faut également créer des structures communes afin de favoriser le développement des entreprises d’assurance, de favoriser la constitution d’un marché élargi et intégrer sur l’ensemble des pays membres afin de pouvoir mettre en place de nouveaux instruments financiers. Enfin, il faut poursuivre la politique d’harmonisation et d’unification des dispositions législatives et réglementaires.
Et pour atteindre ces objectifs, les assureurs doivent jouer leur rôle de mobilisateur de l’épargne longue. Pour attirer cette épargne, ils doivent offrir des produits attrayants.
De son côté, l’Etat a la possibilité de faciliter le développement des produits d’épargne par une fiscalité appropriée et un contrôle efficace. L’intégration régionale permettrait d’intervenir sur un marché plus large en améliorant la compétitivité des assureurs. Sur ce point, le marché de la zone Cima constitue un bon exemple d’intégration économique. Les sociétés d’assurance doivent déployer des moyens techniques et informatiques de plus en plus sophistiqués qui ne peuvent trouver leur pleine mesure sur des marchés aussi étroits.
Une intégration régionale réussie permettrait d’avoir un marché d’assurance plus structuré répondant mieux aux besoins des clients, particuliers, entreprises ou administrations. Le rôle que peut jouer l’assurance dans le développement économique dépendra également des actions prises par les autorités de tutelle pour mettre à niveau le secteur, le renforcer et le dynamiser.
Pour cela, les mesures prioritaires portent sur la consolidation des sociétés d’assurance, notamment, le relèvement de leur capital social. Dans cette droite ligne, il a l’actualisation et la mise à niveau du corpus réglementaire conformément aux normes internationales, l’amélioration de la qualité et de la fiabilité des services. Le recours à la technologie pour l’amélioration et l’extension des réseaux de distribution ; la a mise en œuvre de stratégies de communication et de sensibilisation en direction des populations  s’avère indispensable. Sans oublier la formation intensive de toute la filière assurance et l’encouragement à la mobilité interne.
Au niveau du risque des particuliers, les demandes d’assurance peuvent non seulement provenir des assurances ‘’obligatoires’’ comme l’assurance automobile mais également des produits d’assurance de personnes : santé, retraite, vie et capitalisation. La bancassurance doit être encouragée. Elle permet un développement rapide des risques du particulier.
Le développement récent du marché marocain est en partie dû à la bancassurance qui a su générer des primes nouvelles. Les assurances destinées aux agriculteurs, aux ménages et la généralisation de l’assurance maladie constituent des marchés potentiels.
Répondre aux besoins des clients nationaux et étrangers, entreprises et particuliers suppose l’existence de produits classiques mais aussi de produits innovants. Aux assureurs de proposer des produits accessibles non seulement financièrement mais également géographiquement et culturellement capables de résoudre concrètement les problématiques propres à l’Afrique.
Par Abdul Wahab ADO ( l’Economiste)

Bénédicte DEGBEY

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