L’Editorial de Titus FOLLY : Gbagbo, ‘’Akwaba’’
A toi qui retourne à tes pénates ce jour, 10 ans d’absence après, dont de nombreux passés à la CPI, de nombreux Africains veulent savoir : Laurent Gbagbo, qui tu es ? La réponse dans l’exercice de l’éditorial du jour. Mais en attendant, inclinons-nous devant la mémoire des 3000 Ivoiriens passés de vie à trépas de décembre 2010 à avril 2011 durant cette guerre fratricide, car pour nous la vie humaine est sacrée.
Qui es-tu Laurent Gbagbo ? Nationaliste, résistant, héros, politicien ombrageux, rebelle contrariant, agitateur contrecarrant, ‘’bourreau’’ de son peuple…
Autant de postures qui complexifient la tâche quand on tente de cocher une case pour Laurent Gbagbo ?
La tâche est si difficile pour nous Africains, car il suffit de voir toute la passion et la charge émotive qui déferlent sur la Côte d’Ivoire quand on parle du retour de Laurent Gbagbo.
D’un côté, une partie du peuple ivoirien sera en liesse ce jour. Leur champion est là. Il est là avec une torche éruptive pour la paix. De l’autre côté, le reste des Ivoiriens aura ce jour des fumigations cauchemardesques. Leur ‘’bourreau’’ est rentré avec une lampe vacillante.
Pour cette dernière catégorie, avec le retour de Gbagbo, les espoirs de justice sont à jamais douchés. La douleur imposée par les hercules pulmonaires est toujours sur le dos étroit de certains Ivoiriens. Et quand on parle de retour de Gbagbo, c’est un accablant fardeau qui vient s’y ajouter.
Et en ouvrant leurs fenêtres ce jour à Abidjan, ils vont croire qu’ils sont retournés 10 ans en arrière tout comme s’ils vivaient à nouveau ces rudes moments qu’ils pensaient à jamais dans les tristes annales des intrigues contre lui. Et cette posture est bien normale.
Mais pour le reste des Ivoiriens, il n’est pas question de jeter le vaisseau sur l’écueil du dilemme. Pour eux, Laurent Gbagbo a mené le juste combat. Et en tant que gardes sédentaires, il faut sortir des casernes pour accueillir le leader charismatique, le ‘’Capitaine’’, ‘’ l’éléphant d’Abidjan’’ comme certains de ces compatriotes l’appellent affectueusement.
Comme on le voit, avec l’usage des cartes, on peut donc toucher du doigt cette relation de cause à effet soit binaire soit mécanique de cette bataille rangée qui attaque ou protège cette place forte qu’est Laurent Gbagbo.
Quant à moi, je prends le risque et j’assume que Laurent Gbagbo est un résistant, malgré les dégâts colossaux de son pouvoir souvent excessif qui roulait en mode conquête.
Son grand mérite, c’est d’avoir lutté contre le néocolonialisme et la FrançAfrique qui continuaient de rétracter nos espaces de souveraineté plus d’un demi-siècle après les indépendances. En tant qu’historien, il s’est servi de l’histoire pour combattre politiquement le colonisateur parti, mais jamais parti avec son instinct naturellement aveugle et ses bannières.
Il faut donc reconnaitre à Laurent Gbagbo d’avoir été capable en dépit des balles assassines, d’articuler cette dynamique d’indépendance.
Pour Laurent Gbagbo, les peuples africains souverains et détenteurs de leur pouvoir doivent refuser de cautionner l’univers aléatoire que leur impose l’ancienne métropole.
Faut-il donc comprendre sa logique de l’ascension de l’extrémisme politique?
A la croisée de sa lutte contre la FrançAfrique, Laurent Gbagbo a fait un excellent travail d’éveil des consciences. Avant lui, la pleine émulation politique contre le colonisateur était loin d’être une réalité. Cependant, il faut déplorer son habileté à combiner cette posture avec celle du talentueux chef répressif qu’il a été.
Maintenant qu’il est retourné à ses pénates, qu’il règle sa dette et s’acquitte de sa dime au nom du vivre-ensemble des Ivoiriens.
La vie est belle. Et chaque jour est une vie. Prenons-là du bon côté et demain, il fera beau sur la grande route.
Journal L’Afrique en Marche du mercredi 17 juin 2021.